Poésies (mont)parnassiennes

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Liza
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Re: Poésies (mont)parnassiennes

Message par Liza »

J'oubliais, je t'ai promis du sentiments ! Je vais m'y mettre, achète une boîte de kleenex.
On ne me donne jamais rien, même pas mon âge !
 
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Montparnasse
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Re: Poésies (mont)parnassiennes

Message par Montparnasse »

Quel est le vivant, l'être sensible, qui n'aime entre toutes les merveilles de l'espace immense qui l'environne, la Lumière, joie de tous ─ avec ses couleurs, ses rayons et ses ondes, sa douce omniprésence pendant la journée, qui éveille tous les êtres ? Essence intime de la vie, c'est elle que respire le monde géant des astres infatigables, nageant et dansant dans son flot azuré ─ et la pierre étincelante, à jamais immobile, et la plante pensive dont les racines aspirent la sève, et l'ardent animal sauvage, si varié dans ses formes ─ et plus qu'eux tous l'Etranger superbe aux yeux profonds, à la démarche légère, aux lèvres mi-closes, toutes frémissantes de chants. Reine de la nature terrestre, elle appelle les forces, l'une après l'autre, à des métamorphoses sans nombre, nouant et dénouant des alliances infinies, environnant de sa céleste image toutes les créatures terrestres. Seule sa présence nous révèle en leur miraculeuse splendeur les royaumes de ce monde.
Loin d'elle je me détourne vers l'ineffable, la sainte, la mystérieuse Nuit. Le monde est loin ─ sombré dans l'abîme ─ à sa place tout n'est plus que solitude et désert. Un souffle de mélancolie fait frissonner les fibres de mon âme. Je voudrais tomber en gouttes de rosée et me mêler à la cendre. ─ Lointains souvenirs, vœux juvéniles, rêves de l'enfance, joies vaines, espoirs fugitifs d'une longue vie, tous viennent à moi, vêtus de gris, comme les brouillards du soir au soleil couché. La Lumière est allée planter dans d'autres contrées ses tentes de joie. Ne reviendra-t-elle jamais vers ses enfants qui espèrent son retour avec la foi de l'innocence ?
Quel est ce pressentiment que je sens sourdre sous mon coeur et que nourrit cette molle atmosphère de tristesse ? Aurais-tu, toi aussi, quelque complaisance pour nous, sombre Nuit ? Sous ton manteau, qu'est-ce donc que tu portes ? Quel est cet invisible aimant qui s'empare de mon âme ? Un baume précieux coule goutte à goutte de la gerbe de pavots que tu tiens dans la main. Tu relèves les ailes apesanties de l'âme. Un obscur, un ineffable émoi nous saisit ─ plein d'effroi et de joie, je vois s'incliner vers moi un grave visage tout empreint de douceur et de recueillement et, sous une forêt de boucles emmêlées, je reconnais les traits de la Mère en son gracieux printemps. Qu'elle me semble pauvre et puérile, à présent, cette Lumière ─ heureux et béni l'adieu du jour ! ─ Ainsi donc, c'est parce que la Nuit détourne de toi tes fidèles que tu as semé dans l'espace infini ces globes lumineux, destinés à proclamer ta toute-puissance ─ à annoncer ton retour ─ au temps où tu es loin ? Plus divins que les étoiles scintillantes nous semblent les yeux infinis que la Nuit a ouvert en nous. Leur regard porte bien au-delà des astres les plus pâles d'entre tes armées innombrables ─ sans faire appel à l'aide de la Lumière, ils percent les profondeurs d'un cœur aimant, emplissant d'une volupté indicible l'espace qui est au-dessus de tout.
Célébrons la Reine de l'univers, sublime messagère des mondes sacrés, prêtresse d'un céleste amour ─ Elle t'envoie vers moi ─ tendre amoureuse ─ gracieux soleil de la Nuit ─ c'est à présent que je veille ─ que je suis mien et tien à la fois ─ tu m'as révélé que la Nuit, c'est la vie ─ tu m'as fait homme. ─ Consume mon corps de ta flamme spirituelle, et que, réduit en une aérienne substance, je me mêle à toi d'union plus intime, afin que dure pour l'éternité notre nuit de noces.

(Novalis, Hymnes à la nuit, 1800)

J'ai un peu « bricolé » la traduction, en deux endroits, quand j'ai estimé que le traducteur avait sacrifié la poésie au profit du sens (du moins, je le suppose). Comme il ne passera jamais par ici, il n'aura pas le loisir de m'étrangler.
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
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Re: Poésies (mont)parnassiennes

Message par Montparnasse »

Le Cor

J'aime le son du Cor, le soir, au fond des bois,
Soit qu'il chante les pleurs de la biche aux abois,
Ou l'adieu du chasseur que l'écho faible accueille
Et que le vent du nord porte de feuille en feuille.

Que de fois, seul dans l'ombre à minuit demeuré,
J'ai souri de l'entendre, et plus souvent pleuré !
Car je croyais ouïr de ces bruits prophétiques
Qui précédaient la mort des Paladins antiques.

Ô montagnes d'azur ! ô pays adoré !
Rocs de la Frazona, cirque du Marboré,
Cascades qui tombez des neiges entraînées,
Sources, gaves, ruisseaux, torrents des Pyrénées ;

Monts gelés et fleuris, trône des deux saisons,
Dont le front est de glace et le pied de gazons !
C'est là qu'il faut s'asseoir, c'est là qu'il faut entendre
Les airs lointains d'un Cor mélancolique et tendre.

Souvent un voyageur, lorsque l'air est sans bruit,
De cette voix d'airain fait retentir la nuit ;
A ses chants cadencés autour de lui se mêle
L'harmonieux grelot du jeune agneau qui bêle.

Une biche attentive, au lieu de se cacher,
Se suspend immobile au sommet du rocher,
Et la cascade unit, dans une chute immense,
Son éternelle plainte au chant de la romance.

Âmes des Chevaliers, revenez-vous encor ?
Est-ce vous qui parlez avec la voix du Cor ?
Roncevaux ! Roncevaux ! dans ta sombre vallée
L'ombre du grand Roland n'est donc pas consolée !

(A. de Vigny, Poèmes antiques et modernes, 1826)
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Re: Poésies (mont)parnassiennes

Message par Montparnasse »

L'Andalouse

Avez-vous vu, dans Barcelone,
Une Andalouse au sein bruni ?
Pâle comme un beau soir d'automne !
C'est ma maîtresse, ma lionne !
La marquesa d'Amaëgui !

J'ai fait bien des chansons pour elle,
Je me suis battu bien souvent.
Bien souvent j'ai fait sentinelle,
Pour voir le coin de sa prunelle,
Quand son rideau tremblait au vent.

Elle est à moi, moi seul au monde.
Ses grands sourcils noirs sont à moi,
Son corps souple et sa jambe ronde,
Sa chevelure qui l'inonde,
Plus longue qu'un manteau de roi !

C'est à moi son beau col qui penche
Quand elle dort dans son boudoir,
Et sa basquina sur sa hanche,
Son bras dans sa mitaine blanche,
Son pied dans son brodequin noir !

Vrai Dieu ! Lorsque son œil pétille
Sous la frange de ses réseaux,
Rien que pour toucher sa mantille,
De par tous les saints de Castille,
On se ferait rompre les os.

Qu'elle est superbe en son désordre,
Quand elle tombe, les seins nus,
Qu'on la voit, béante, se tordre
Dans un baiser de rage, et mordre
En criant des mots inconnus !

Et qu'elle est folle dans sa joie,
Lorsqu'elle chante le matin,
Lorsqu'en tirant son bas de soie,
Elle fait, sur son flanc qui ploie,
Craquer son corset de satin !

Allons, mon page, en embuscades !
Allons ! la belle nuit d'été !
Je veux ce soir des sérénades
A faire damner les alcades
De Tolose au Guadalété.

(A. de Musset, Contes d'Espagne et d'Italie, 1830)
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Re: Poésies (mont)parnassiennes

Message par Montparnasse »

Image
G. A. de la Foulhouse, Les Nuits de Musset, 1886

Souvenir

J'espérais bien pleurer, mais je croyais souffrir
En osant te revoir, place à jamais sacrée,
O la plus chère tombe et la plus ignorée
Où dorme un souvenir !

Que redoutiez-vous donc de cette solitude,
Et pourquoi, mes amis, me preniez-vous la main,
Alors qu'une si douce et si vieille habitude
Me montrait ce chemin ?

Les voilà, ces coteaux, ces bruyères fleuries,
Et ces pas argentins sur le sable muet,
Ces sentiers amoureux, remplis de causeries,
Où son bras m'enlaçait.

Les voilà, ces sapins à la sombre verdure,
Cette gorge profonde aux nonchalants détours,
Ces sauvages amis, dont l'antique murmure
A bercé mes beaux jours.

Les voilà, ces buissons où toute ma jeunesse,
Comme un essaim d'oiseaux, chante au bruit de mes pas.
Lieux charmants, beau désert où passa ma maîtresse,
Ne m'attendiez-vous pas ?

Ah ! laissez-les couler, elles me sont bien chères,
Ces larmes que soulève un coeur encor blessé !
Ne les essuyez pas, laissez sur mes paupières
Ce voile du passé !

Je ne viens point jeter un regret inutile
Dans l'écho de ces bois témoins de mon bonheur.
Fière est cette forêt dans sa beauté tranquille,
Et fier aussi mon coeur.

Que celui-là se livre à des plaintes amères,
Qui s'agenouille et prie au tombeau d'un ami.
Tout respire en ces lieux ; les fleurs des cimetières
Ne poussent point ici.

Voyez ! la lune monte à travers ces ombrages.
Ton regard tremble encor, belle reine des nuits ;
Mais du sombre horizon déjà tu te dégages,
Et tu t'épanouis.

Ainsi de cette terre, humide encor de pluie,
Sortent, sous tes rayons, tous les parfums du jour :
Aussi calme, aussi pur, de mon âme attendrie
Sort mon ancien amour.

Que sont-ils devenus, les chagrins de ma vie ?
Tout ce qui m'a fait vieux est bien loin maintenant ;
Et rien qu'en regardant cette vallée amie
Je redeviens enfant.

O puissance du temps ! ô légères années !
Vous emportez nos pleurs, nos cris et nos regrets ;
Mais la pitié vous prend, et sur nos fleurs fanées
Vous ne marchez jamais.

Tout mon coeur te bénit, bonté consolatrice !
Je n'aurais jamais cru que l'on pût tant souffrir
D'une telle blessure, et que sa cicatrice
Fût si douce à sentir.

Loin de moi les vains mots, les frivoles pensées,
Des vulgaires douleurs linceul accoutumé,
Que viennent étaler sur leurs amours passées
Ceux qui n'ont point aimé !

Dante, pourquoi dis-tu qu'il n'est pire misère
Qu'un souvenir heureux dans les jours de douleur ?
Quel chagrin t'a dicté cette parole amère,
Cette offense au malheur ?

En est-il donc moins vrai que la lumière existe,
Et faut-il l'oublier du moment qu'il fait nuit ?
Est-ce bien toi, grande âme immortellement triste,
Est-ce toi qui l'as dit ?

Non, par ce pur flambeau dont la splendeur m'éclaire,
Ce blasphème vanté ne vient pas de ton coeur.
Un souvenir heureux est peut-être sur terre
Plus vrai que le bonheur.

Eh quoi ! l'infortuné qui trouve une étincelle
Dans la cendre brûlante où dorment ses ennuis,
Qui saisit cette flamme et qui fixe sur elle
Ses regards éblouis ;

Dans ce passé perdu quand son âme se noie,
Sur ce miroir brisé lorsqu'il rêve en pleurant,
Tu lui dis qu'il se trompe, et que sa faible joie
N'est qu'un affreux tourment !

Et c'est à ta Françoise, à ton ange de gloire,
Que tu pouvais donner ces mots à prononcer,
Elle qui s'interrompt, pour conter son histoire,
D'un éternel baiser !

Qu'est-ce donc, juste Dieu, que la pensée humaine,
Et qui pourra jamais aimer la vérité,
S'il n'est joie ou douleur si juste et si certaine
Dont quelqu'un n'ait douté ?

Comment vivez-vous donc, étranges créatures ?
Vous riez, vous chantez, vous marchez à grands pas ;
Le ciel et sa beauté, le monde et ses souillures
Ne vous dérangent pas ;

Mais, lorsque par hasard le destin vous ramène
Vers quelque monument d'un amour oublié,
Ce caillou vous arrête, et cela vous fait peine
Qu'il vous heurte le pied.

Et vous criez alors que la vie est un songe ;
Vous vous tordez les bras comme en vous réveillant,
Et vous trouvez fâcheux qu'un si joyeux mensonge
Ne dure qu'un instant.

Malheureux ! cet instant où votre âme engourdie
A secoué les fers qu'elle traîne ici-bas,
Ce fugitif instant fut toute votre vie ;
Ne le regrettez pas !

Regrettez la torpeur qui vous cloue à la terre,
Vos agitations dans la fange et le sang,
Vos nuits sans espérance et vos jours sans lumière :
C'est là qu'est le néant !

Mais que vous revient-il de vos froides doctrines ?
Que demandent au ciel ces regrets inconstants
Que vous allez semant sur vos propres ruines,
A chaque pas du Temps ?

Oui, sans doute, tout meurt ; ce monde est un grand rêve,
Et le peu de bonheur qui nous vient en chemin,
Nous n'avons pas plus tôt ce roseau dans la main,
Que le vent nous l'enlève.

Oui, les premiers baisers, oui, les premiers serments
Que deux êtres mortels échangèrent sur terre,
Ce fut au pied d'un arbre effeuillé par les vents,
Sur un roc en poussière.

Ils prirent à témoin de leur joie éphémère
Un ciel toujours voilé qui change à tout moment,
Et des astres sans nom que leur propre lumière
Dévore incessamment.

Tout mourait autour d'eux, l'oiseau dans le feuillage,
La fleur entre leurs mains, l'insecte sous leurs pieds,
La source desséchée où vacillait l'image
De leurs traits oubliés ;

Et sur tous ces débris joignant leurs mains d'argile,
Etourdis des éclairs d'un instant de plaisir,
Ils croyaient échapper à cet être immobile

Qui regarde mourir !
Insensés ! dit le sage. Heureux dit le poète.
Et quels tristes amours as-tu donc dans le coeur,
Si le bruit du torrent te trouble et t'inquiète,
Si le vent te fait peur?

J'ai vu sous le soleil tomber bien d'autres choses
Que les feuilles des bois et l'écume des eaux,
Bien d'autres s'en aller que le parfum des roses
Et le chant des oiseaux.

Mes yeux ont contemplé des objets plus funèbres
Que Juliette morte au fond de son tombeau,
Plus affreux que le toast à l'ange des ténèbres
Porté par Roméo.

J'ai vu ma seule amie, à jamais la plus chère,
Devenue elle-même un sépulcre blanchi,
Une tombe vivante où flottait la poussière
De notre mort chéri,

De notre pauvre amour, que, dans la nuit profonde,
Nous avions sur nos coeurs si doucement bercé !
C'était plus qu'une vie, hélas ! c'était un monde
Qui s'était effacé !

Oui, jeune et belle encor, plus belle, osait-on dire,
Je l'ai vue, et ses yeux brillaient comme autrefois.
Ses lèvres s'entr'ouvraient, et c'était un sourire,
Et c'était une voix ;

Mais non plus cette voix, non plus ce doux langage,
Ces regards adorés dans les miens confondus ;
Mon coeur, encor plein d'elle, errait sur son visage,
Et ne la trouvait plus.

Et pourtant j'aurais pu marcher alors vers elle,
Entourer de mes bras ce sein vide et glacé,
Et j'aurais pu crier : " Qu'as-tu fait, infidèle,
Qu'as-tu fait du passé? "

Mais non : il me semblait qu'une femme inconnue
Avait pris par hasard cette voix et ces yeux ;
Et je laissai passer cette froide statue
En regardant les cieux.

Eh bien ! ce fut sans doute une horrible misère
Que ce riant adieu d'un être inanimé.
Eh bien ! qu'importe encore ? O nature! ô ma mère !
En ai-je moins aimé?

La foudre maintenant peut tomber sur ma tête :
Jamais ce souvenir ne peut m'être arraché !
Comme le matelot brisé par la tempête,
Je m'y tiens attaché.

Je ne veux rien savoir, ni si les champs fleurissent;
Ni ce qu'il adviendra du simulacre humain,
Ni si ces vastes cieux éclaireront demain
Ce qu'ils ensevelissent.

Je me dis seulement : " À cette heure, en ce lieu,
Un jour, je fus aimé, j'aimais, elle était belle. "
J'enfouis ce trésor dans mon âme immortelle,
Et je l'emporte à Dieu !

(A. de Musset, Les Nuits, 1841)
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Message par Montparnasse »

El Desdichado

Je suis le ténébreux, - le veuf, - l'inconsolé,
Le prince d'Aquitaine à la tour abolie
Ma seule étoile est morte, - et mon luth constellé
Porte le soleil noir de la Mélancolie.

Dans la nuit du tombeau, toi qui m'as consolé,
Rends-moi le Pausilippe et la mer d'Italie,
La fleur qui plaisait tant à mon coeur désolé,
Et la treille où le pampre à la rose s'allie.

Suis-je Amour ou Phébus ? ... Lusignan ou Biron ?
Mon front est rouge encor du baiser de la reine ;
J'ai rêvé dans la grotte où nage la sirène...

Et j'ai deux fois vainqueur traversé l'Achéron ;
Modulant tout à tour sur la lyre d'Orphée
Les soupirs de la sainte et les cris de la fée.

(G. de Nerval, Les Chimères, 1854)
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Re: Poésies (mont)parnassiennes

Message par Montparnasse »

Mors

Je vis cette faucheuse. Elle était dans son champ.
Elle allait à grands pas moissonnant et fauchant,
Noir squelette laissant passer le crépuscule.
Dans l'ombre où l'on dirait que tout tremble et recule,
L'homme suivait des yeux les lueurs de la faulx.
Et les triomphateurs sous les arcs triomphaux
Tombaient ; elle changeait en désert Babylone,
Le trône en échafaud et l'échafaud en trône,
Les roses en fumier, les enfants en oiseaux,
L'or en cendre, et les yeux des mères en ruisseaux.
Et les femmes criaient : ─ Rends-nous ce petit être.
Pour le faire mourir, pourquoi l'avoir fait naître ? ─
Ce n'était qu'un sanglot sur terre, en haut, en bas ;
Des mains aux doigts osseux sortaient des noirs grabats ;
Un vent froid bruissait dans les linceuls sans nombre ;
Les peuples éperdus semblaient sous la faulx sombre
Un troupeau frissonnant qui dans l'ombre s'enfuit ;
Tout était sous ses pieds deuil, épouvante et nuit.
Derrière elle, le front baignait de douces flammes,
Un ange souriant portait la gerbe d'âmes.

(V. Hugo, Les Contemplations, 1854)
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Re: Poésies (mont)parnassiennes

Message par Liza »

En 1854 on écrivait « mors » sans T ?

Ou j'ai encore mal compris ?
On ne me donne jamais rien, même pas mon âge !
 
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Re: Poésies (mont)parnassiennes

Message par Montparnasse »

Chez les Romains, Mors est la personnification de la mort ou Dieu de la mort. Chez les Grecs, c'est Thanatos.
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Re: Poésies (mont)parnassiennes

Message par Montparnasse »

Ondine
« ... Je croyais entendre
Une vague harmonie enchanter mon sommeil
Et près de moi s'épandre un murmure pareil
Aux chants entrecoupés d'une voix triste et tendre. »


(Ch. Brugnot, Les Deux Génies)

« Ecoute ! ─ Ecoute ! ─ C'est moi, c'est Ondine qui frôle de ces gouttes d'eau les losanges sonores de ta fenêtre illuminée par les mornes rayons de la lune ; et voici, en robe de moire, la dame châtelaine qui contemple à son balcon la belle nuit étoilée et le beau lac endormi.

« Chaque flot est un ondin qui nage dans le courant, chaque courant est un sentier qui serpente vers mon palais, et mon palais est bâti fluide, au fond du lac, dans le triangle du feu, de la terre et de l'air.

« Ecoute ! ─ Ecoute ! ─ Mon père bat l'eau coassante d'une branche d'aulne verte, et mes sœurs caressent de leurs bras d'écume les fraîches îles d'herbes, de nénuphars et de glaïeuls, ou se moquent du saule caduc qui pêche à la ligne ! »

Sa chanson murmurée, elle me supplia de recevoir son anneau à mon doigt, pour être l'époux d'une Ondine, et de visiter avec elle son palais pour être le roi des lacs.

Et comme je lui répondais que j'aimais une mortelle, boudeuse et dépîtée, elle pleura quelques larmes, poussa un éclat de rire, et s'évanouit en giboulées qui ruisselèrent blanches le long de mes vitraux bleus.

(Aloysius Bertrand, Gaspard de la nuit, 1842)
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