Douceur Maternelle

[Aureplume]

Elle arrivait sur le pas de la porte, des bruissements métalliques, des cliquetis et on la voyait entrer. Elle posait, avec moins de délicatesse qu’elle ne le voulait, son sac après une journée de travail épuisante. C’était ensuite veste noire, écharpe sombre et gants, certes de bon goût, mais ternes, qui étaient disposés sur le porte-manteau. Elle quittait ainsi le rôle de femme élégante pour celui de mère de famille.

La première chose que l’on pouvait voir, c’était la chaleur qui émanait de son être pour enfin raviver les lueurs de la pièce. Son visage laissait toujours effacer l’image sombre que l’on pouvait avoir d’elle en l’apercevant seulement d’un œil et un trop bref instant. Ses joues roses, contrastant avec sa peau immaculée et ses yeux, pourtant très clairs et si flamboyants, donnaient une sensation de protection telle, que, les bras qui jadis me maternaient, n’en étaient que le prolongement.
Sa place retrouvée, elle venait nous faire la bise, à moi puis à mon père. C’était alors une des visions du bonheur que l’on pouvait avoir. Son parfum venait caresser doucement les narines. Elle était élégante et elle se pomponnait, mais ce n’était que pour mieux faire ressortir son odeur corporelle, qui donnait l’occasion d’avoir une forêt florissante contre soi, mélange de feuillages et de miel. Son souffle tiède, le contact avec sa peau chaude, rendaient l’instant doux. Accélérant, ses cheveux virevoltaient jusqu’à la salle à manger. Elle redevenait maîtresse des lieux, d’une efficacité et d’une façon à la fois sèche et gracieuse, déconcertante.

Elle était électrique ! Elle replaçait chaque chaise, mettait du bois dans la cheminée, allumait le feu, faisait des allers-retours dans plusieurs pièces, raccommodait des vêtements, peignait un de ses vases, déléguait à mon père tout en ayant le temps de venir me raconter sa journée et tout en me questionnant sur la mienne. Puis, au sommet de son art, venait le moment de cuisiner.
Elle, le chef, mon père à ses côtés et moi chargé de mettre la table et autres commodités. Si on penchait un œil par-dessus son épaule, on assistait alors à un véritable petit spectacle. Les casseroles dansaient, elle ne cessait d’être énergique, elle coupait les légumes, la viande, les disposait par taille, couleur, goût, odeur et les faisait se marier d’une façon épatante. Au début, ça attirait l’œil, le poivron vert, orange, le cube de viande rouge, les herbes et épices de toutes les couleurs, on avait sous ses yeux un tableau. Et puis, l’odeur de la cuisson, arrivait pour vous tirailler l’esprit. L’odeur grasse de la viande, relevée par quelques herbes, la cuisson parfaite des légumes étaient comme un choc pour le nez. Enfin, cuisiner n’est que l’avant-goût de l’étape qui se veut en être l’aboutissement : manger. Le réel plaisir débutait alors grâce aux talentueuses mains qui avaient préparé ce repas : les saveurs étaient toutes mêlées sans qu’aucune ne soit supérieure aux autres.
Alors qu’on croyait venir à bout de la part généreuse qui nous avait été donnée, elle en resservait. On aurait pu alors refuser et par la même occasion jalouser tout ce savoir-faire… Un regard suffisait pour en oublier l’idée. Si je levais mes yeux, j’avais face à moi un calme plat, un visage bienveillant, une personne heureuse seulement d’avoir fait ce qu’elle considérait comme son devoir, un sourire, timide, des yeux perdus dans les rêves.

Toute la pièce sommeillait alors sous la protection et le repos bien mérité, et, chaque frémissement, le moindre battement de cils semblait menacer l’équilibre apporté par cette magicienne.

[Loustic]

Belle image de la mère, bravo.

Elle était électrique ! ou Elle était éclectique !

[Aureplume]

Si on parle de ma mère, les 2 !

Cette image de la mère, même si la mienne peut en être une inspiration, n'est pas celle de ma propre mère.
Il faut plutôt le voir comme un ode aux Mères en général.