Re: MYOPUS GRADUS
Publié : 13 mars 2016, 19:47
" MYOPUS GRADUS " épisode 8 :
" La sonnerie retentit enfin ! J'avais fini par trouver le temps long. Monsieur Gaudin, après m'avoir saluée, fit entrer la turbulente marmaille qui s'était rangée dans son dos. Mes « camarades » avaient l'air surexcité. Il y avait de quoi... Ce devait être la première fois que dans la classe des gueux, une jeune fille solitaire et brillante était collée au point d'écrire la prière à la place du professeur et de si bon matin. Je comprenais leur curiosité. Certains cous faisaient des drôles de torticolis pour tenter d'apercevoir ce qui était écrit au tableau.
Dès qu'ils se répartirent dans la classe et se tinrent debout derrière leurs tables attirées, voici ce qu'ils purent lire :
PATER NOSTER
Pater noster
Qui es in coelis
Sanctificetur nomen tuum
Adveniat regnum tuum
Fiat voluntas tuas
Sicut in coelo et in terra.
Panem nostrum quotidianum da nobis hodie
Et dimitte nobis débita nostra
Sicut et nos dimittimus debitoribus nostris
Et ne nos inducas in tentationem
Sed libera nos a malo
Amen
Imaginez les lettres en couleurs, ça jetait du feu de Dieu ! (si je puis m'exprimer ainsi ! …)
J'osai un regard oblique vers le professeur : il observait avec attention le tableau.
Les mécréants dans son dos poussaient des « oh » et des « ah » et des drôles de gloussements et interjections. S'ils étaient inintelligibles ils présentaient au moins l'intérêt de traduire leur ahurissement, leur amusement aussi peut-être ?... Le maître calma l'agitation naissante et avant qu'elle ne se débridât totalement, intima qu'on lise ensemble, à voix lente et parfaitement articulée la prière en latin.
Avant d'imiter tout le monde, je balayais la classe entière d'un œil narquois. Bigleux-Myopus croisa mon regard. Je remarquai un sourire large et… un clin d'oeil qui m'était, sans équivoque possible, destiné. A contrario, la Charline me décocha, au passage, un regard torve et sa moustache duveteuse paraissait encore plus noire que ses yeux ce jour-là. Blandine aux lions semblait en pleine béatitude extatique tant la langue latine ajoutait un charme érudit à la pieuse incantation que nous allions réciter. Et ce candide esprit qui avait sûrement fait le voeu de me racheter le temps de ma vie terrestre, du moins tant qu'elle s'exerçât en quatrième B. voyait s'accomplir, devant ses yeux, un miracle du savoir.
J'entendis, sous la houlette du maître, les premiers ânonnements du Pater Noster... Sacrilège ! eut-on dit en des temps plus reculés où l 'Eglise souveraine aurait fait rôtir tous ces hérétiques. Ces brutes pataudes ne connaissaient aucun des phonèmes de la langue romaine ! Quel massacre ! Cela dépassait toutes mes espérances !
Monsieur Godin eut un geste d'humeur : se tournant vers ses élèves, il lança à la cantonade : « Allez, j'efface tout ! Reprenons le Notre Père en français. »
Ce fut tout pour cette fois-là. Il m'ignora toute la journée, faisant mine de ne pas voir mon doigt levé et insistant. J'eus droit à quelques éloges de la part des garçons quoique encore trop modestes trouvé-je. Ces poules mouillées dont le cerveau était constitué d' un ballon de football n'avaient pas le cran d'avouer leur admiration à mon égard. C'était pathétique ! Il fallait que je trouve autre chose..."
" La sonnerie retentit enfin ! J'avais fini par trouver le temps long. Monsieur Gaudin, après m'avoir saluée, fit entrer la turbulente marmaille qui s'était rangée dans son dos. Mes « camarades » avaient l'air surexcité. Il y avait de quoi... Ce devait être la première fois que dans la classe des gueux, une jeune fille solitaire et brillante était collée au point d'écrire la prière à la place du professeur et de si bon matin. Je comprenais leur curiosité. Certains cous faisaient des drôles de torticolis pour tenter d'apercevoir ce qui était écrit au tableau.
Dès qu'ils se répartirent dans la classe et se tinrent debout derrière leurs tables attirées, voici ce qu'ils purent lire :
PATER NOSTER
Pater noster
Qui es in coelis
Sanctificetur nomen tuum
Adveniat regnum tuum
Fiat voluntas tuas
Sicut in coelo et in terra.
Panem nostrum quotidianum da nobis hodie
Et dimitte nobis débita nostra
Sicut et nos dimittimus debitoribus nostris
Et ne nos inducas in tentationem
Sed libera nos a malo
Amen
Imaginez les lettres en couleurs, ça jetait du feu de Dieu ! (si je puis m'exprimer ainsi ! …)
J'osai un regard oblique vers le professeur : il observait avec attention le tableau.
Les mécréants dans son dos poussaient des « oh » et des « ah » et des drôles de gloussements et interjections. S'ils étaient inintelligibles ils présentaient au moins l'intérêt de traduire leur ahurissement, leur amusement aussi peut-être ?... Le maître calma l'agitation naissante et avant qu'elle ne se débridât totalement, intima qu'on lise ensemble, à voix lente et parfaitement articulée la prière en latin.
Avant d'imiter tout le monde, je balayais la classe entière d'un œil narquois. Bigleux-Myopus croisa mon regard. Je remarquai un sourire large et… un clin d'oeil qui m'était, sans équivoque possible, destiné. A contrario, la Charline me décocha, au passage, un regard torve et sa moustache duveteuse paraissait encore plus noire que ses yeux ce jour-là. Blandine aux lions semblait en pleine béatitude extatique tant la langue latine ajoutait un charme érudit à la pieuse incantation que nous allions réciter. Et ce candide esprit qui avait sûrement fait le voeu de me racheter le temps de ma vie terrestre, du moins tant qu'elle s'exerçât en quatrième B. voyait s'accomplir, devant ses yeux, un miracle du savoir.
J'entendis, sous la houlette du maître, les premiers ânonnements du Pater Noster... Sacrilège ! eut-on dit en des temps plus reculés où l 'Eglise souveraine aurait fait rôtir tous ces hérétiques. Ces brutes pataudes ne connaissaient aucun des phonèmes de la langue romaine ! Quel massacre ! Cela dépassait toutes mes espérances !
Monsieur Godin eut un geste d'humeur : se tournant vers ses élèves, il lança à la cantonade : « Allez, j'efface tout ! Reprenons le Notre Père en français. »
Ce fut tout pour cette fois-là. Il m'ignora toute la journée, faisant mine de ne pas voir mon doigt levé et insistant. J'eus droit à quelques éloges de la part des garçons quoique encore trop modestes trouvé-je. Ces poules mouillées dont le cerveau était constitué d' un ballon de football n'avaient pas le cran d'avouer leur admiration à mon égard. C'était pathétique ! Il fallait que je trouve autre chose..."