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Re: MYOPUS GRADUS
Publié : 14 mars 2016, 16:41
par Dona
En fait, hormis ma femme, ma fille, quelques amis et mon médecin, vous êtes mes seuls lecteurs!
Merci public !

Re: MYOPUS GRADUS
Publié : 14 mars 2016, 16:52
par Montparnasse
Dona a écrit :
En fait, Blandine (qui est toujours comparée à Ste-Blandine) était un peu bécasse pour cette fille-là (la lettrée). Par conséquent, la narratrice imagine que Blandine est complètement subjuguée par la prière en latin... qu'elle n'a jamais dû lire dans cette langue (réservée aux érudits).
Es-tu certaine que les bécasses sont subjuguées par l'érudition ou par l'intelligence ? Je ne l'ai pas encore constaté. C'est plus souvent, le mépris qui est affiché. Mais, effectivement, tu peux en faire un personnage hors norme.
Re: MYOPUS GRADUS
Publié : 14 mars 2016, 16:53
par Montparnasse
Dona a écrit :
Rhhhhha !!! Flûte ! O rage ! O désespoir ! O vieillesse ennemie !
Quand j'étais petit, je croyais qu'il se plaignait de la météo...

Re: MYOPUS GRADUS
Publié : 14 mars 2016, 16:56
par Montparnasse
Dona a écrit :En fait, hormis ma femme, ma fille, quelques amis et mon médecin, vous êtes mes seuls lecteurs!
Merci public !

Ton médecin ? Bon, passons.
Invite-les tout de suite à s'inscrire sur Spleen pour qu'ils puissent te casser en direct. Je plaisante, je plaisante...

Aie !
J'offre des carambars aux nouveaux inscrits.
Re: MYOPUS GRADUS
Publié : 14 mars 2016, 18:44
par Dona
Montparnasse a écrit :
Es-tu certaine que les bécasses sont subjuguées par l'érudition ou par l'intelligence ? Je ne l'ai pas encore constaté. C'est plus souvent, le mépris qui est affiché. Mais, effectivement, tu peux en faire un personnage hors norme.
C'est tout de même comme ça que la narratrice voit Blandine aux lions. Elle peut se tromper... Mais comme c'est elle qui raconte, nous n'avons que son point de vue !

Re: MYOPUS GRADUS
Publié : 16 mars 2016, 21:32
par Dona
" MYOPUS GRADUS " épisode 10 :
" Le deuxième jour, je choisis donc un texte simple, écrit en français courant par un auteur populaire. S'il était populaire, c'était aussi un poète prestigieux et je me dis que ce n'était pas insolence de recopier au tableau, en guise de mâtines pour placer la journée sous de pieux auspices, une poésie de Jacques Prévert. Cet artiste généreux faisait aussi bien l'affaire qu'une des prières du missel qu'on rangeait dans le tiroir du bureau du maître. Ainsi fut fait et c'est avec un certain orgueil que j'accueillis et Monsieur Godin et ses élèves. Je n'entendis que rires et loin des gloussements de la veille, il s'agissait de franches rigolades. En effet, voici ce que mes camarades lurent sur le tableau, calligraphié par mes soins, de ma plus belle écriture en couleur :
NOSTER PATER
Notre père qui êtes aux cieux
Restez-y !
Et nous nous resterons sur la terre
Qui est quelquefois si jolie
Avec ses mystères de New York
Et puis ses mystères de Paris
Qui valent bien celui de la trinité
Avec son petit canal de l'Ourcq
Sa grande muraille de Chine
Sa rivière de Morlaix
Ses bêtises de Cambrai
Avec son Océan Pacifique
Et ses deux bassins aux Tuileries
Avec ses bons enfants et ses mauvais sujets
Avec toutes les merveilles du monde
Qui sont là
Simplement sur la terre
Offertes à tout le monde
Éparpillées
Émerveillées elles-même d'être de telles merveilles
Et qui n'osent se l'avouer
Comme une jolie fille nue qui n'ose se montrer
Avec les épouvantables malheurs du monde
Qui sont légion
Avec leurs légionnaires
Aves leurs tortionnaires
Avec les maîtres de ce monde
Les maîtres avec leurs prêtres leurs traîtres et leurs reîtres
Avec les saisons
Avec les années
Avec les jolies filles et avec les vieux cons
Avec la paille de la misère pourrissant dans l'acier des canons.
Jacques Prévert dans « Paroles »
Guettant du coin de l'oeil la réaction de l'enseignant, j'avoue de ne pas en avoir mené large à ce moment-là. « Mourir debout plutôt que vivre à genoux » devint mon leitmotiv le temps d'une minute et demie. Je ne pouvais m'en remettre qu'à l'honneur et j'acceptais de trépasser - ce qui métaphoriquement signifiait être renvoyée - si telle était la volonté de Monsieur Godin.
Au lieu de la menace d'une nouvelle retenue, d'une réprimande en bonne et due forme, je ne vis que de la douceur dans son regard. Il était résolument bienveillant et un sourire, à peine masqué, s'affichait vraiment sur son visage rosi, je pense, par ma farce poétique. Moi qui pensais avoir lassé ce professeur débonnaire et un peu ennuyeux, je finissais par le trouver résolument sympathique et chaleureux. Plus tard, je me suis demandée si mes facéties n'étaient pas une manière, pour lui, de renouer avec sa propre adolescence.
Myopus eut pour moi une franche oeillade. La Charline devait s'étouffer de rage car ses joues énormes étaient vitriolées de couperose en plus d'être écarlates... Elle était vraiment enlaidie par la colère, la pauvre !...
Je fus la vedette de la journée et ce succès, incommensurable, m'assura la place de vainqueur pour le restant de l'année à tel point qu'on m'acceptât, chez les garçons, à la table de cantine où je pus désormais dignement me restaurer sous l'oeil admiratif de Bigleux-Myopus (c'était son nouveau surnom), entre autres...
Panem et circes (Du pain et des jeux !) voilà le secret pour tenir des bêtes, pensais-je intérieurement. "
Re: MYOPUS GRADUS
Publié : 17 mars 2016, 19:07
par Liza
Tu touches le problème du doigt. Une fille bonne élève est rarement acceptée avec facilité. Surtout par les garçons. Reste la pouff de service.
La poufferie, c’est une caractéristique inextinguible inondant le monde asservi à la bêtise, elle survivra tant qu’il y aura des lolitas et des garçons pour les flatter.
Vivre à genoux ! Je suis au couvent, heureusement déserté par les bonnes sœurs, et Dieu aussi, je crois bien. Alors je vis debout.
Fautes inattention : elles-mêmes.
Le sujet réel « colère », complément d'agent du verbe passif, me surprend associé à la forme passive « était vraiment enlaidie. »
Re: MYOPUS GRADUS
Publié : 17 mars 2016, 21:04
par Loustic
Je ne comprends même pas ce qu'elle veut dire avec son complément d'agent, va faire l'argent de police plus loin.
Re: MYOPUS GRADUS
Publié : 17 mars 2016, 21:24
par Dona
Loustic a écrit :Je ne comprends même pas ce qu'elle veut dire avec son complément d'agent, va faire l'argent de police plus loin.
Moi non plus !

Mais comme vous êtes au moins 3 à suivre, je poste l'épisode 11 !

Re: MYOPUS GRADUS
Publié : 17 mars 2016, 21:26
par Dona
" MYOPUS GRADUS " épisode 11
" A dire vrai, si j'étais éloquente à l'écrit, j'étais démunie à l'oral et l'amitié naissante de ces nouveaux camarades m'était en réalité, très chère.
C'était nouveau. Je n'avais jamais rencontré jusqu'alors de personnes simples et sincères capables de me témoigner quelque affection. Mais si leur sympathie me touchait, j'étais malheureusement incapable de l'exprimer et il me fallait cultiver l'image liminaire que j'avais donnée. Par conséquent, je ne manquais pas, lors de ces repas partagés avec la plèbe footballeuse, de glisser quelques citations latines, proverbes académiques, mots d'esprit de grands écrivains appris par cœur pour l'occasion.
Passé cet honorable épisode, adoubée par le regard salvateur de Monsieur Godin et surtout reconnaissante envers lui, je cessais dès le lendemain ces blagues douteuses et écrivit les deux dernières prières dans la langue la plus banale qui soit dans l'enceinte de ce genre d'établissements : celle de l' Evangile.
C'est alors que les choses se gâtèrent...
Odile Brousseau, nouvelle élève arriva au courant du mois de février.
C'était donc la nouvelle recrue de la quatrième B. Je devinai immédiatement, à ses vêtements, à son chignon, à son cartable... qu'elle arrivait d'un milieu aisé. Sa voix flûtée (mais haut perchée), ses taches de rousseur ( innombrables), sa chaîne en or ( probablement un cadeau de première communion) arborant je ne sais quel saint révéré, ses ballerines en cuir élégantes, son petit manteau impeccable, ses yeux verts et perçants qui semblèrent dès les premiers temps troubler tant les garçons ne manquèrent pas de me renseigner sur ses origines bourgeoises. Elle fut, dès le premier instant, détestable et bien trop fière pour que je la considérasse comme un pair. Bien au contraire, elle offrait à ma vue, la contemplation de ce que je détestais le plus : visage de vierge, bonne éducation en tout genre et aisance que donne une vie ordonnée placée sous l'égide de parents très investis dans le milieu catholique, débordés par leurs activités caritatives, dévoués au scoutisme à vie.
Je sus très vite qu'elle était bonne en Français, sa note nous l'apprit dès le premier devoir...
Monsieur Godin le lut à haute voix juste après ma rédaction. Elle écrivait bien, brodait beaucoup, développait une imagination féconde et versicolore mais... elle manquait cruellement d'originalité. Finalement, elle écrivait bien comme une jeune fille de son âge mais sa candeur réduisait son sujet à quelques aventures fantaisistes et ça s'arrêtait là. Cependant, le lecteur est un être exigeant et égoïste qui ne pense qu'à son confort de lecture...
Je me rendis compte que sa prose, naïve mais bien rédigée et claire était plus accessible que mes écrits passionnés pourtant de meilleure qualité. Odile fut plébiscitée dès la première rédaction comme ma concurrente directe.
Je le sus au regard que les garçons échangèrent entre eux en me regardant moi : des oeillades qui en disaient long.
J' haranguai intérieurement ces vauriens, compagnons volages et manipulables à outrance tant leur ignorance livresque les laissait dans l'incapacité de reconnaître la meilleure des deux auteures en lice. Qu'en était-il alors de leur amitié s'ils ne pouvaient me soutenir dans cette épreuve ?
Quant aux filles, ces limaces écervelées en jupe écossaise pour la plupart car c'était à la mode, elles arboraient un air si réjoui et des grimaces si grossières quand je les regardai que je compris tout de suite : j'étais dans l'arène, elles assistaient dans les tribunes à ma déchéance. Et moi je n'étais pas Blandine aux lions. S'ils avaient décidé de me dévorer, je ne pouvais espérer aucun miracle...
Odile Brousseau, la jeune rousse au yeux verts et jolie par surcroît emporta le tournoi ce jour-là. "