La Marie Rose
Publié : 31 janvier 2016, 17:45
La Marie-Rose
Depuis l’année dernière, elle est en suspens. Pourtant, malgré l’humiliation de son existence, je lui trouve toujours cette même beauté. En secret, je vais souvent la réconforter. Je lui tiens mon discours sur son retour à la sérénité. Cette fois-ci, je me suis enhardi, et j’ose lui montrer le tableau où il y a bien longtemps son histoire, j’ai péniblement, dessinée.
— Le bleu, la mer déchaînée, ce sont nos sentiments fous provoqués par ton étrange ascendant, petite déjà, tu nous rendais dingues. Nous faisions tes devoirs, portions ton cartable, le jour, nous parlions de toi et la nuit en rêvions. Au fil des années, nous te voyons t’épanouir, ta beauté fleurir et le chemin de nos espoirs prendre tournure. Jaloux les uns des autres, nous attendions de savoir qui tu choisirais.
Marie la Rose se mit à larmoyer en souvenir de ce temps passé.
— Tu vois, sur le rocher, c’est l’ange de nos seize ans, la Marie-Rose, que l’on a retrouvée, inconsciente, violée, souillée, baignant dans les larmes et le sang. Échouée telle une galère poussée par le vent, malmenée, brisée, les rames épuisées, sur un écueil, drossée.
Marie, la petite Rose brutalement cueillie, sans vergogne par un voyou de passage.
— Regarde, la partie sombre, continuais-je en lui prenant à main pour qu’elle touche les reliefs laissés par mon couteau à peindre, ce sont les mauvais jours. Nous avons lâché les chiens et poursuivi celui qui, ta vertu, a brisée. Il a su s’en tirer en arguant que tu l’avais embobiné, provoqué, trop court habillée, il t’a traînée dans la boue pour se sauver.
Je sais combien ces souvenirs sont pénibles pour Marie-Rose dont j’espère être l’ami. Depuis, elle n’a plus jamais souri. Elle est comme une fleur fanée, tout est mort en elle, flétri à jamais. Sans amis, sans secours. Elle marche dans la rue sans lever les yeux, tête basse comme la rose se courbe sous son poids avant de tomber. Nous l’appelions familièrement Marilou quand sa jupe montrait presque ses genoux. Maintenant, vêtue d’un sombre et large pantalon, les enfants l’appellent La pouf et lui lancent des cailloux.
— Regarde ma petite Rose, il suffit simplement de retourner le tableau de mettre le haut en bas pour rétablir la vérité. Le voyou est venu te chercher, t’arracher de sous cette coque où tu te cachais, derrière les voiles, abritée, tentant d’échapper à la rouge méchanceté qui vers toi montait. Tes cris vers le ciel déchaîné ont été emportés, rien n’a pu te sauver. J’ai crié cette vérité au monde entier, ils t’ont acclamée, admettant t’avoir, en toute bonne foi, mal jugée.
Marie-Rose a remis ses jupes colorées, chacun s’est empressé de les trouver bien trop longues et démodées. Pour Marie-Rose tout est réglé ! Ne croyez surtout pas cela ! Si un jour, un petit vent coquin soulève ses dessous, vous y verrez la trace indélébile laissée par la mâchoire de la calomnie aux crocs acérés.
Honte à nous ! L’opinion de nos villes est bien versatile dans sa hâte à croire des inconnus malsains au détriment de ceux qu’elle a vu naître et grandir en son sein ! Suffit-il de retourner la réalité pour qu’elle devienne la vérité permettant de bafouer ses amis et les lapider ?
Liza
Depuis l’année dernière, elle est en suspens. Pourtant, malgré l’humiliation de son existence, je lui trouve toujours cette même beauté. En secret, je vais souvent la réconforter. Je lui tiens mon discours sur son retour à la sérénité. Cette fois-ci, je me suis enhardi, et j’ose lui montrer le tableau où il y a bien longtemps son histoire, j’ai péniblement, dessinée.
— Le bleu, la mer déchaînée, ce sont nos sentiments fous provoqués par ton étrange ascendant, petite déjà, tu nous rendais dingues. Nous faisions tes devoirs, portions ton cartable, le jour, nous parlions de toi et la nuit en rêvions. Au fil des années, nous te voyons t’épanouir, ta beauté fleurir et le chemin de nos espoirs prendre tournure. Jaloux les uns des autres, nous attendions de savoir qui tu choisirais.
Marie la Rose se mit à larmoyer en souvenir de ce temps passé.
— Tu vois, sur le rocher, c’est l’ange de nos seize ans, la Marie-Rose, que l’on a retrouvée, inconsciente, violée, souillée, baignant dans les larmes et le sang. Échouée telle une galère poussée par le vent, malmenée, brisée, les rames épuisées, sur un écueil, drossée.
Marie, la petite Rose brutalement cueillie, sans vergogne par un voyou de passage.
— Regarde, la partie sombre, continuais-je en lui prenant à main pour qu’elle touche les reliefs laissés par mon couteau à peindre, ce sont les mauvais jours. Nous avons lâché les chiens et poursuivi celui qui, ta vertu, a brisée. Il a su s’en tirer en arguant que tu l’avais embobiné, provoqué, trop court habillée, il t’a traînée dans la boue pour se sauver.
Je sais combien ces souvenirs sont pénibles pour Marie-Rose dont j’espère être l’ami. Depuis, elle n’a plus jamais souri. Elle est comme une fleur fanée, tout est mort en elle, flétri à jamais. Sans amis, sans secours. Elle marche dans la rue sans lever les yeux, tête basse comme la rose se courbe sous son poids avant de tomber. Nous l’appelions familièrement Marilou quand sa jupe montrait presque ses genoux. Maintenant, vêtue d’un sombre et large pantalon, les enfants l’appellent La pouf et lui lancent des cailloux.
— Regarde ma petite Rose, il suffit simplement de retourner le tableau de mettre le haut en bas pour rétablir la vérité. Le voyou est venu te chercher, t’arracher de sous cette coque où tu te cachais, derrière les voiles, abritée, tentant d’échapper à la rouge méchanceté qui vers toi montait. Tes cris vers le ciel déchaîné ont été emportés, rien n’a pu te sauver. J’ai crié cette vérité au monde entier, ils t’ont acclamée, admettant t’avoir, en toute bonne foi, mal jugée.
Marie-Rose a remis ses jupes colorées, chacun s’est empressé de les trouver bien trop longues et démodées. Pour Marie-Rose tout est réglé ! Ne croyez surtout pas cela ! Si un jour, un petit vent coquin soulève ses dessous, vous y verrez la trace indélébile laissée par la mâchoire de la calomnie aux crocs acérés.
Honte à nous ! L’opinion de nos villes est bien versatile dans sa hâte à croire des inconnus malsains au détriment de ceux qu’elle a vu naître et grandir en son sein ! Suffit-il de retourner la réalité pour qu’elle devienne la vérité permettant de bafouer ses amis et les lapider ?
Liza