Clair de lune
Publié : 28 mars 2016, 17:17
Liza me demande de parler de la description d’une image. J’enveloppe le déroulement de la vue dans une histoire qui fournit des repères au non-voyant pour l’aider à mémoriser plus facilement la scène. Une image, finalement, n'est pas une histoire sans mot… longue à raconter.
Il, nous, vous, moi, toi, étant perçus autrement. J’utilise JE. Si cette description est individuelle « Je » prends le sexe de l’auditeur, fille ou garçon, ici une fille. Lorsque l’auditoire est mixte « JE » prend le sexe du héros de l’histoire.
Maintenant vous avez deux choix, selon votre curiosité :
- vous lisez le texte en imaginant l’image que vous découvrirez plus tard.
– Vous regardez l’image d’abord et lisez le texte après.
http://www.casimages.com/img.php?i=1603 ... 103376.jpg
Clair de lune
De brillantes étoiles mitaient un ciel d’un bleu profond comme le fond de l’océan. À gauche effleurant les cimes, où une grosse lune jouait à cache-cache avec les nuages. L’eau noire reflétait cette image fantomatique à peine voilée par quelques arbres sombres et touffus. Une chaleur s’insinuait en moi doucement, bercée par un léger déhanchement, j’étais bien. J’avais envie de me blottir, de me fondre dans ces bras. Oui, quelqu’un me portait. Lentement je pris conscience de ma situation et je me rendis compte que nous étions dans l’eau. Je frissonnais inconsciemment. Je n’arrivais pas à imaginer le visage de mon porteur, mais intuitivement, je savais que c’était un garçon. Insouciante du possible danger, je m’abandonnais à cette douce chaleur. Autour de nous, il faisait presque noir, sans doute, étions-nous la nuit sous une lune bienveillante.
Relevant ma tête posée sur une épaule accueillante, j’ai regardé devant nous pour essayer de découvrir notre destination. L’horizon était obstrué par une ligne horizontale continue, pas très épaisse, d’une noirceur bleutée, la côte ou une île ? Elle soutenait une rangée d’arbres, à gauche et à droite, aux pieds décharnés. Leur feuillage touffu qui projetait de larges taches noires mouvantes au gré des clapotis, rendant le paysage fantomatique. Au centre, ces arbres formaient une rupture de la ligne d’horizon, une sorte de clairière où je distinguais des silhouettes dont les contours se découpaient sur le ciel. Ces ombres aussi disparates qu’impressionnantes se détachaient devant la diffuse clarté d’un rayon de lune. Une réalité légèrement floue.
Nous progressions vers elles assez rapidement. J’ai senti que l’on me posait au sol. Je pensais, sous mes pieds de l’eau trouver, mais c’est un sol sablonneux qui les reçut. Je me mis à pleurer, tout mon univers était là, devant moi. J’avais tout compris pour avoir une telle vision de mon univers, il n’y avait qu’une seule possibilité : j’étais morte ! Déjà ! Pourquoi ? Tous ceux que j’ai aimés étaient là, à gauche, mon grand-père, chanteur d’opéra avec sa tenue de bouffon, le bâton en main, scène d’une pièce du XVe siècle. Ma mère, si belle enfant que j’admirais tant dans notre album de famille le jour de ses dix ans, déguisée en princesse, pleurant toutes les larmes de son corps à cause des moqueries de son frère.
La fille aux cheveux longs à côté de ma mère, c’est moi ! Je ne fus même pas surprise d’être dédoublée, je ne pouvais détacher mes yeux de cette bien inoffensive peluche à tête de lion à la queue de marsupilami. Je ne l’avais plus vue depuis des années. Quand j’étais petite, elle me faisait peur, maman l’avait cachée au grenier. Heureusement, les yeux souriants de mon parrain posé sur moi me rassuraient. Un homme doux et gentil, malgré sa force et sa musculature surhumaine. Il me soulevait et me jetait sur son épaule sans aucun effort, comme si j’étais un fétu de paille en m’appelant son petit chaton.
J’eus un peu de mal à reconnaître l’ombre suivante. Un grand manteau était jeté sur ses épaules, le dos courbé, la tête baissée comme un coupable. Une image connue, mais pas familière. Le souvenir revint brutalement : mon père ! Coupable, il peut l’être, je ne l’ai pas connu en dehors de quelques visites qu’il venait faire à ma mère pour lui réclamer quelques sous.
Le dernier personnage de cette galerie irréelle me parut incongru au milieu de ce que je pourrais résumer par « les gens de ma vie ». Je ne compris pas pourquoi Monsieur Carnaval me défiait du haut de son corps de paille, me menaçant de son sabre en carton. A-t-il une envie de vengeance ? Cette année, au Mardi gras, après le défilé des gens du village dans les rues, c’est moi qui fus tirée à la courte paille pour mettre le feu au bûcher. C’est vrai, la sensibilité est parfois un défaut. Je ne sais ce que j’ai imaginé, j’ai pleuré en voyant le feu monter doucement à l’assaut des vieilles hardes gonflées de foin dont nous avions revêtu. Le mannequin.
J’avais identifié tous les personnages alignés comme dans un jeu de massacre, mais je n’avais pas de boule de chiffon à jeter. Je me demandais ce que je faisais là quand un vent léger s’est levé. Comme si mes yeux faisaient maintenant la mise au point, de flou et dissous, le paysage s’est éclairci, coloré, mieux qu’une réalité. Étonnée, je me suis retournée pour découvrir d’où je venais. Toute chamboulée, j’ai trouvé Kylian, un genou à terre, l’air gêné.
— Tous ceux que tu aimes sont d’accord, veux-tu m’épouser ?
Folle de joie, j’ai sauté dans ses bras, le faisant basculer dans l’eau sournoisement remontée. Ne sachant nager, je me débattais comme une folle cherchant à m’accrocher à une branche ou un rocher sans rien trouver. Noyée ! Je compris pourquoi je revoyais ma vie défiler… finalement, j’agrippais quelque chose, suis-je sauvée ?
— Lola, pas besoin de te pendre à mon cou pour avoir trois minutes supplémentaires, saute du lit immédiatement, tu vas être en retard à l’école ! râle ma mère.
Pour la fin je choisis une chute amusante, il est hors de question de guider les enfants dans de mauvais rêves ou de provoquer leur inquiétude.
Loustic
Il, nous, vous, moi, toi, étant perçus autrement. J’utilise JE. Si cette description est individuelle « Je » prends le sexe de l’auditeur, fille ou garçon, ici une fille. Lorsque l’auditoire est mixte « JE » prend le sexe du héros de l’histoire.
Maintenant vous avez deux choix, selon votre curiosité :
- vous lisez le texte en imaginant l’image que vous découvrirez plus tard.
– Vous regardez l’image d’abord et lisez le texte après.
http://www.casimages.com/img.php?i=1603 ... 103376.jpg
Clair de lune
De brillantes étoiles mitaient un ciel d’un bleu profond comme le fond de l’océan. À gauche effleurant les cimes, où une grosse lune jouait à cache-cache avec les nuages. L’eau noire reflétait cette image fantomatique à peine voilée par quelques arbres sombres et touffus. Une chaleur s’insinuait en moi doucement, bercée par un léger déhanchement, j’étais bien. J’avais envie de me blottir, de me fondre dans ces bras. Oui, quelqu’un me portait. Lentement je pris conscience de ma situation et je me rendis compte que nous étions dans l’eau. Je frissonnais inconsciemment. Je n’arrivais pas à imaginer le visage de mon porteur, mais intuitivement, je savais que c’était un garçon. Insouciante du possible danger, je m’abandonnais à cette douce chaleur. Autour de nous, il faisait presque noir, sans doute, étions-nous la nuit sous une lune bienveillante.
Relevant ma tête posée sur une épaule accueillante, j’ai regardé devant nous pour essayer de découvrir notre destination. L’horizon était obstrué par une ligne horizontale continue, pas très épaisse, d’une noirceur bleutée, la côte ou une île ? Elle soutenait une rangée d’arbres, à gauche et à droite, aux pieds décharnés. Leur feuillage touffu qui projetait de larges taches noires mouvantes au gré des clapotis, rendant le paysage fantomatique. Au centre, ces arbres formaient une rupture de la ligne d’horizon, une sorte de clairière où je distinguais des silhouettes dont les contours se découpaient sur le ciel. Ces ombres aussi disparates qu’impressionnantes se détachaient devant la diffuse clarté d’un rayon de lune. Une réalité légèrement floue.
Nous progressions vers elles assez rapidement. J’ai senti que l’on me posait au sol. Je pensais, sous mes pieds de l’eau trouver, mais c’est un sol sablonneux qui les reçut. Je me mis à pleurer, tout mon univers était là, devant moi. J’avais tout compris pour avoir une telle vision de mon univers, il n’y avait qu’une seule possibilité : j’étais morte ! Déjà ! Pourquoi ? Tous ceux que j’ai aimés étaient là, à gauche, mon grand-père, chanteur d’opéra avec sa tenue de bouffon, le bâton en main, scène d’une pièce du XVe siècle. Ma mère, si belle enfant que j’admirais tant dans notre album de famille le jour de ses dix ans, déguisée en princesse, pleurant toutes les larmes de son corps à cause des moqueries de son frère.
La fille aux cheveux longs à côté de ma mère, c’est moi ! Je ne fus même pas surprise d’être dédoublée, je ne pouvais détacher mes yeux de cette bien inoffensive peluche à tête de lion à la queue de marsupilami. Je ne l’avais plus vue depuis des années. Quand j’étais petite, elle me faisait peur, maman l’avait cachée au grenier. Heureusement, les yeux souriants de mon parrain posé sur moi me rassuraient. Un homme doux et gentil, malgré sa force et sa musculature surhumaine. Il me soulevait et me jetait sur son épaule sans aucun effort, comme si j’étais un fétu de paille en m’appelant son petit chaton.
J’eus un peu de mal à reconnaître l’ombre suivante. Un grand manteau était jeté sur ses épaules, le dos courbé, la tête baissée comme un coupable. Une image connue, mais pas familière. Le souvenir revint brutalement : mon père ! Coupable, il peut l’être, je ne l’ai pas connu en dehors de quelques visites qu’il venait faire à ma mère pour lui réclamer quelques sous.
Le dernier personnage de cette galerie irréelle me parut incongru au milieu de ce que je pourrais résumer par « les gens de ma vie ». Je ne compris pas pourquoi Monsieur Carnaval me défiait du haut de son corps de paille, me menaçant de son sabre en carton. A-t-il une envie de vengeance ? Cette année, au Mardi gras, après le défilé des gens du village dans les rues, c’est moi qui fus tirée à la courte paille pour mettre le feu au bûcher. C’est vrai, la sensibilité est parfois un défaut. Je ne sais ce que j’ai imaginé, j’ai pleuré en voyant le feu monter doucement à l’assaut des vieilles hardes gonflées de foin dont nous avions revêtu. Le mannequin.
J’avais identifié tous les personnages alignés comme dans un jeu de massacre, mais je n’avais pas de boule de chiffon à jeter. Je me demandais ce que je faisais là quand un vent léger s’est levé. Comme si mes yeux faisaient maintenant la mise au point, de flou et dissous, le paysage s’est éclairci, coloré, mieux qu’une réalité. Étonnée, je me suis retournée pour découvrir d’où je venais. Toute chamboulée, j’ai trouvé Kylian, un genou à terre, l’air gêné.
— Tous ceux que tu aimes sont d’accord, veux-tu m’épouser ?
Folle de joie, j’ai sauté dans ses bras, le faisant basculer dans l’eau sournoisement remontée. Ne sachant nager, je me débattais comme une folle cherchant à m’accrocher à une branche ou un rocher sans rien trouver. Noyée ! Je compris pourquoi je revoyais ma vie défiler… finalement, j’agrippais quelque chose, suis-je sauvée ?
— Lola, pas besoin de te pendre à mon cou pour avoir trois minutes supplémentaires, saute du lit immédiatement, tu vas être en retard à l’école ! râle ma mère.
Pour la fin je choisis une chute amusante, il est hors de question de guider les enfants dans de mauvais rêves ou de provoquer leur inquiétude.
Loustic