Regards pris dans une toile
Publié : 06 mai 2016, 12:18
I
Regard du cœur
Sur la toile, un port.
Le soleil, bas sur l’horizon.
Dans le port, un navire.
Des hommes, sur le quai, massés pour le regarder s’éloigner. Leurs ombres étirées vers la ville, dans l’instant saisi par le peintre.
Mon imagination s’enflamme. Par-dessus les gouaches vernies, je projette mes espoirs et mes doutes. Et cette couche-là n’appartient qu’à moi.
Aurore ou crépuscule ? Le navire part-il à la guerre ou se lance-t-il à la découverte d’un autre monde ? Ne pas choisir. Explorer toutes les voies offertes. De tous ces possibles, aucun ne peut être anodin.
De nombreux bâtiments construits sur le port, élancés en fines colonnades. Longs arbres, plus hauts encore, dressés vers le ciel. Beauté exaltée.
L’espace, le temps, étirés dans des proportions colossales. La fin d’un monde ancien et le commencement d’autre chose. Le moment précieux du basculement vers un avenir incertain mais grandiose.
Je retiens mon souffle.
II
Regard de raison
Mes yeux s’approchent de la toile.
Voiles et drapeaux tendus vers la ville.
Le navire ne vogue pas vers une destination inconnue. Il rentre au port.
Des barques s’éloignant de lui et transportant sa cargaison. Bétail déchargé. Hommes affairés sur le quai.
Ils ne sont pas venus le voir partir, mais vaquent à leurs occupations sans même jeter un regard au navire.
Tout est si différent de ce que j’avais imaginé. Chaque détail révélé charge la toile d’un peu plus de quotidien. Comment ai-je pu me méprendre à ce point ? Le réel balaye mes doutes. Mes espoirs aussi.
Mais l’harmonie est toujours présente. Finesse des statues, des vagues, des têtes de lions, des branchages à la cime des arbres. Beauté ciselée.
Leur contemplation procure une douce sérénité. Petit à petit le sens s’efface. Mes regrets aussi.
Mon souffle s’apaise.
III
Regard d’esprit
Où êtes-vous ? Qui êtes-vous ? Que représentez-vous ?
La fin ? Le commencement ? L’éternelle répétition du quotidien ?
Tout en vous me ramène au choix d’Ondine : quel regard porter sur le monde ? Faut-il confier son âme aux chimères ? Au réel ?
Occupés à vos tâches journalières, vous semblez ignorer la beauté qui vous entoure, devenue trop familière.
N’êtes-vous plus capables de saluer le miracle d’un navire revenu d’au-delà des mers, les panses gonflées de mystères ?
A laisser s’envoler mon imaginaire, ne vais-je point devenir sourd et aveugle aux petits miracles des jours qui défilent ?
Quel regard porter ?
Et s’il fallait, qu’homme, je m’abstienne de choisir ?
Et s’il fallait s’abreuver à l’une et l’autre mamelle pour que naisse la pleine beauté du monde ?
Et s’il fallait nommer cela...
Souffle de vie ?

Regard du cœur
Sur la toile, un port.
Le soleil, bas sur l’horizon.
Dans le port, un navire.
Des hommes, sur le quai, massés pour le regarder s’éloigner. Leurs ombres étirées vers la ville, dans l’instant saisi par le peintre.
Mon imagination s’enflamme. Par-dessus les gouaches vernies, je projette mes espoirs et mes doutes. Et cette couche-là n’appartient qu’à moi.
Aurore ou crépuscule ? Le navire part-il à la guerre ou se lance-t-il à la découverte d’un autre monde ? Ne pas choisir. Explorer toutes les voies offertes. De tous ces possibles, aucun ne peut être anodin.
De nombreux bâtiments construits sur le port, élancés en fines colonnades. Longs arbres, plus hauts encore, dressés vers le ciel. Beauté exaltée.
L’espace, le temps, étirés dans des proportions colossales. La fin d’un monde ancien et le commencement d’autre chose. Le moment précieux du basculement vers un avenir incertain mais grandiose.
Je retiens mon souffle.
II
Regard de raison
Mes yeux s’approchent de la toile.
Voiles et drapeaux tendus vers la ville.
Le navire ne vogue pas vers une destination inconnue. Il rentre au port.
Des barques s’éloignant de lui et transportant sa cargaison. Bétail déchargé. Hommes affairés sur le quai.
Ils ne sont pas venus le voir partir, mais vaquent à leurs occupations sans même jeter un regard au navire.
Tout est si différent de ce que j’avais imaginé. Chaque détail révélé charge la toile d’un peu plus de quotidien. Comment ai-je pu me méprendre à ce point ? Le réel balaye mes doutes. Mes espoirs aussi.
Mais l’harmonie est toujours présente. Finesse des statues, des vagues, des têtes de lions, des branchages à la cime des arbres. Beauté ciselée.
Leur contemplation procure une douce sérénité. Petit à petit le sens s’efface. Mes regrets aussi.
Mon souffle s’apaise.
III
Regard d’esprit
Où êtes-vous ? Qui êtes-vous ? Que représentez-vous ?
La fin ? Le commencement ? L’éternelle répétition du quotidien ?
Tout en vous me ramène au choix d’Ondine : quel regard porter sur le monde ? Faut-il confier son âme aux chimères ? Au réel ?
Occupés à vos tâches journalières, vous semblez ignorer la beauté qui vous entoure, devenue trop familière.
N’êtes-vous plus capables de saluer le miracle d’un navire revenu d’au-delà des mers, les panses gonflées de mystères ?
A laisser s’envoler mon imaginaire, ne vais-je point devenir sourd et aveugle aux petits miracles des jours qui défilent ?
Quel regard porter ?
Et s’il fallait, qu’homme, je m’abstienne de choisir ?
Et s’il fallait s’abreuver à l’une et l’autre mamelle pour que naisse la pleine beauté du monde ?
Et s’il fallait nommer cela...
Souffle de vie ?
