Qu'écrivez-vous ? Comment écrivez-vous ?
Publié : 09 mai 2016, 09:41
Dans la conversation, quand on avoue que l'on écrit, souvent les deux questions que l'on se voit poser sont : "Qu'écrivez-vous donc ?" et : "Mais comment écrivez-vous ?"...
Après avoir enlevé son manteau, avant de se décider à laisser les mots sortir de sa bouche, la personne considéra quelques instants le divan qui se trouvait dans un coin du bureau et s'y allongea sur le dos. Ses traits donnaient une impression à peu près égale de masculin et de féminin, sous un discret mascara habilement appliqué.
- "Je voudrais vous parler de la machine qui va être inventée dans les années à venir. Elle permettra à tout un chacun de pénétrer à l'intérieur de n'importe quel manuscrit et de vivre le roman de l'intérieur en se mettant dans la peau de n'importe quel personnage. On pourra décider de suivre les actions décrites, ou de les modifier à sa guise. Cela grâce à l'une des nombreuses applications de la nouvelle technologie des ordinateurs quantiques. L'opération est indolore et elle est bien sûr aussi réalisable avec les romans inachevés. A la différence d'un texte figé pour toujours après le point final, on sera en mesure d'influer sur les événements et toute chose existant dans le contexte décrit par le manuscrit. Comme dans un rêve
dirigé... avec la même intensité, il sera permis de découvrir et de vivre pleinement de fulgurantes synesthésies, de se jeter dans le vide et voler comme un oiseau, survoler sans être détecté les trottoirs de la ville au lieu de les parcourir en marchant. C'est beaucoup mieux que les expériences de confusion entre le rêve et la réalité expérimentées par Baudelaire et Verlaine.
Pour l'instant nous ne disposons que de nos rêves nocturnes, d'incertitudes archéologiques et de simples ordinateurs bêtement binaires. Sur le mien je tente d'écrire, de trouver un fil entre une série d'actions passées et présentes, qui vont de l'ancienne Mésopotamie à l'actuelle cité du Havre, en passant par la New-York des années 3o et les croisières transatlantiques. Avec quelques haltes dans la solitude absolue du désert, où se réfugie un individu, sans doute réincarnation de la toute-puissante déesse Astartée, qui a décidé de changer de genre et de devenir preneur de son... en se mettant à expérimenter de curieux rêves provoqués par des poussières enfouies dans des couches du sous-sol rocheux, issus de la décomposition du bismuth 209, élément radio-actif d'une période de vie égale à plusieurs millions de fois celle de l'univers.
Mais je viens de vous décrire l'étape finale. Nous n'en sommes pas encore là... Même si c'est sur la seule idée d'un titre d'ouvrage qu'on peut se lancer dans le travail, sur une image, à partir d'une résonance provoquée par deux mots juxtaposés. Comme une maman décide de faire son enfant en pensant d'abord au prénom qu'elle va lui donner. Il faudrait donc que je vous parle de la façon dont je m'y prends pour me placer dans un contexte favorable à l'écriture de mon manuscrit, afin d'abord de trouver des lueurs de motivation, et de quoi remplir ces pages obstinément blanches.
Pour être franc, je devrais accepter l'idée qu'après un certain temps, tout cela, de près comme de loin, ressemble fort à une salle de chirurgie où se déroule (devrait se dérouler) un accouchement très difficile, avec conclusion en césarienne, cris et hurlements d'orfraie de la maman, etc. Mais une opération de mise au monde qui dure beaucoup plus longtemps, étalée sur plusieurs années, comme si elle était filmée au ralenti (et par une caméra capricieuse, qui se met à dérailler de temps en temps). Néanmoins ce n'est pas un film d'horreur pour autant. Et tout ce qui participe à l'arrivée du bébé mérite aussi d'être décrit, même incomplètement. Ainsi par exemple le site de la livecam de la plage de Sainte-Adresse, qui est une des géographies dans lesquelles le roman évolue : http://www.lehavretourisme.tv/fr/webcam-du-havre.html
Quand c'est possible je branche cette caméra qui balaie le paysage du Havre en direct sur 180 degrés, et je me mets au travail d'écriture après avoir rêvassé devant les images, qui changent tout le temps en fonction du moment de la journée ou de la météo... Je regarde les maisons et les immeubles du front de mer, les cargos qui attendent au large leur autorisation d'entrer, les silhouettes squelettiques des grues à l'arrière-fond, l'église Saint-Joseph reconstruite après la guerre avec ses allures proches du Chrysler Building New-Yorkais, les grands oiseaux blancs qui jouent avec l'air, je me laisse docilement régler sur le rythme ralenti des séquences qui se succèdent. Au gré des mouvements de la caméra je sens ma pensée changer de forme ou de direction, et suivre le rythme des plans fixes, des travellings, des zooms...
Mais n'oublions pas le plus important : les mots. Pour me sortir de cette torpeur, je branche parfois la radio, sur une station où je vais entendre du discours et non de la musique. Et tout en mettant au point les phrases de mon récit, je me laisse perturber par les gens qui parlent à la radio. Si je trouve cela inspirant je recopie comme sous la dictée ce que j'entends. D'autres fois je réécris la chimie mélangée de mes mots et de ceux que je reçois pour obtenir un résultat qui soit plus à mon goût.
J'essaie autant que possible de provoquer des perturbations, qui sont comme des accidents que je suis amené à contourner ou à épouser et qui me montrent parfois la direction de routes que je n'avais pas soupçonnées. Je pense qu'il est intéressant, à certains moments, de ne pas laisser son cerveau fonctionner exactement comme il veut. Il est plus profitable de le perturber, de trouver tous les moyens qui vont pouvoir nous permettre de connecter, même de force, l'hémisphère droit avec le gauche. Et on rassemble le résultat par le clavier quand c'est possible."
Après avoir écouté, l'occupant du bureau se leva, et dit au visiteur :
-"Revoyons-nous tous les lundis à la même heure, si vous voulez."
A cet instant un petit rayon de soleil dans la transparence se posa sur l'unique tableau du bureau, où on pouvait voir une clepsydre.
(Massy, le 05/10/2016)
* Voisinage sonore complémentaire et fréquences mentales du récit (pour l'instant) :
RESONNANCE SCHUMANN (1:30:00)
[youtube]sn6m7Zz87L4[/youtube]
Om Namah Shivaya (11:24:56)
[youtube]vmNjc_EzQx8[/youtube]
Après avoir enlevé son manteau, avant de se décider à laisser les mots sortir de sa bouche, la personne considéra quelques instants le divan qui se trouvait dans un coin du bureau et s'y allongea sur le dos. Ses traits donnaient une impression à peu près égale de masculin et de féminin, sous un discret mascara habilement appliqué.
- "Je voudrais vous parler de la machine qui va être inventée dans les années à venir. Elle permettra à tout un chacun de pénétrer à l'intérieur de n'importe quel manuscrit et de vivre le roman de l'intérieur en se mettant dans la peau de n'importe quel personnage. On pourra décider de suivre les actions décrites, ou de les modifier à sa guise. Cela grâce à l'une des nombreuses applications de la nouvelle technologie des ordinateurs quantiques. L'opération est indolore et elle est bien sûr aussi réalisable avec les romans inachevés. A la différence d'un texte figé pour toujours après le point final, on sera en mesure d'influer sur les événements et toute chose existant dans le contexte décrit par le manuscrit. Comme dans un rêve
dirigé... avec la même intensité, il sera permis de découvrir et de vivre pleinement de fulgurantes synesthésies, de se jeter dans le vide et voler comme un oiseau, survoler sans être détecté les trottoirs de la ville au lieu de les parcourir en marchant. C'est beaucoup mieux que les expériences de confusion entre le rêve et la réalité expérimentées par Baudelaire et Verlaine.
Pour l'instant nous ne disposons que de nos rêves nocturnes, d'incertitudes archéologiques et de simples ordinateurs bêtement binaires. Sur le mien je tente d'écrire, de trouver un fil entre une série d'actions passées et présentes, qui vont de l'ancienne Mésopotamie à l'actuelle cité du Havre, en passant par la New-York des années 3o et les croisières transatlantiques. Avec quelques haltes dans la solitude absolue du désert, où se réfugie un individu, sans doute réincarnation de la toute-puissante déesse Astartée, qui a décidé de changer de genre et de devenir preneur de son... en se mettant à expérimenter de curieux rêves provoqués par des poussières enfouies dans des couches du sous-sol rocheux, issus de la décomposition du bismuth 209, élément radio-actif d'une période de vie égale à plusieurs millions de fois celle de l'univers.
Mais je viens de vous décrire l'étape finale. Nous n'en sommes pas encore là... Même si c'est sur la seule idée d'un titre d'ouvrage qu'on peut se lancer dans le travail, sur une image, à partir d'une résonance provoquée par deux mots juxtaposés. Comme une maman décide de faire son enfant en pensant d'abord au prénom qu'elle va lui donner. Il faudrait donc que je vous parle de la façon dont je m'y prends pour me placer dans un contexte favorable à l'écriture de mon manuscrit, afin d'abord de trouver des lueurs de motivation, et de quoi remplir ces pages obstinément blanches.
Pour être franc, je devrais accepter l'idée qu'après un certain temps, tout cela, de près comme de loin, ressemble fort à une salle de chirurgie où se déroule (devrait se dérouler) un accouchement très difficile, avec conclusion en césarienne, cris et hurlements d'orfraie de la maman, etc. Mais une opération de mise au monde qui dure beaucoup plus longtemps, étalée sur plusieurs années, comme si elle était filmée au ralenti (et par une caméra capricieuse, qui se met à dérailler de temps en temps). Néanmoins ce n'est pas un film d'horreur pour autant. Et tout ce qui participe à l'arrivée du bébé mérite aussi d'être décrit, même incomplètement. Ainsi par exemple le site de la livecam de la plage de Sainte-Adresse, qui est une des géographies dans lesquelles le roman évolue : http://www.lehavretourisme.tv/fr/webcam-du-havre.html
Quand c'est possible je branche cette caméra qui balaie le paysage du Havre en direct sur 180 degrés, et je me mets au travail d'écriture après avoir rêvassé devant les images, qui changent tout le temps en fonction du moment de la journée ou de la météo... Je regarde les maisons et les immeubles du front de mer, les cargos qui attendent au large leur autorisation d'entrer, les silhouettes squelettiques des grues à l'arrière-fond, l'église Saint-Joseph reconstruite après la guerre avec ses allures proches du Chrysler Building New-Yorkais, les grands oiseaux blancs qui jouent avec l'air, je me laisse docilement régler sur le rythme ralenti des séquences qui se succèdent. Au gré des mouvements de la caméra je sens ma pensée changer de forme ou de direction, et suivre le rythme des plans fixes, des travellings, des zooms...
Mais n'oublions pas le plus important : les mots. Pour me sortir de cette torpeur, je branche parfois la radio, sur une station où je vais entendre du discours et non de la musique. Et tout en mettant au point les phrases de mon récit, je me laisse perturber par les gens qui parlent à la radio. Si je trouve cela inspirant je recopie comme sous la dictée ce que j'entends. D'autres fois je réécris la chimie mélangée de mes mots et de ceux que je reçois pour obtenir un résultat qui soit plus à mon goût.
J'essaie autant que possible de provoquer des perturbations, qui sont comme des accidents que je suis amené à contourner ou à épouser et qui me montrent parfois la direction de routes que je n'avais pas soupçonnées. Je pense qu'il est intéressant, à certains moments, de ne pas laisser son cerveau fonctionner exactement comme il veut. Il est plus profitable de le perturber, de trouver tous les moyens qui vont pouvoir nous permettre de connecter, même de force, l'hémisphère droit avec le gauche. Et on rassemble le résultat par le clavier quand c'est possible."
Après avoir écouté, l'occupant du bureau se leva, et dit au visiteur :
-"Revoyons-nous tous les lundis à la même heure, si vous voulez."
A cet instant un petit rayon de soleil dans la transparence se posa sur l'unique tableau du bureau, où on pouvait voir une clepsydre.
(Massy, le 05/10/2016)
* Voisinage sonore complémentaire et fréquences mentales du récit (pour l'instant) :
RESONNANCE SCHUMANN (1:30:00)
[youtube]sn6m7Zz87L4[/youtube]
Om Namah Shivaya (11:24:56)
[youtube]vmNjc_EzQx8[/youtube]