Paroles d'enfants
Publié : 09 juillet 2016, 16:31
J’ai passé un après-midi au centre de loisirs à raconter des histoires à dix-sept enfants de huit à treize ans. J’ai raconté Imprévue et, je vous assure les commentaires sont nettement plus amusants que ceux des grands. Il est rare que je raconte aux « petits », c’est dommage, c’est mieux que le bistrot ! L’auditoire était un peu jeunot pour écouter l’Imprévue. Qu’importe vous me connaissez, je n’ai pu m’empêcher d’en tirer une histoire.
Si vous n'avez pas lu Imprévue lisez-la, ce sera plus facile pour la compréhension de Paroles d'enfants
Vous la trouverez ici
Paroles d'enfants
— La chanteuse, c’est Céline Dion.
— Mais non, elle est trop vieille !
— Elle est vieille, je te le dis, c’est elle.
— Tu te trompes, elle est toute jeune, affirme un admirateur.
— Non, ou alors elle est refaite avec des seringues de naphtaline, son mari est vieux, il est déjà calanché !
La mono allait intervenir, je lui ai demandé de laisser ces pauvres petits s’exprimer, pour mieux leur expliquer.
— Pourquoi elle met son tuc au congélateur ? demande une gamine.
— Elle avait chaud.
— Alors avec la glace, elle va avoir froid sans tee-shirt.
— Mais non, elle a mis une grosse veste de jogging, tu as écouté oui ou non ?
— Elle aurait mieux fait de garder le tee-shirt alors, c’est plus léger.
— Ouais ! ou de ne rien mettre du tout
— T’es dingue, elle aurait montré ses tétines !
— C’est pas des tétines…on dit des seins, proteste une grande de onze ans.
— À douze ans, ce n’est pas une envolée de montgolfières non plus, s’amuse un autre.
— Ma mère dit : « je vais donner la tétine à ta petite sœur »
— Les tétines, c’est des trucs qu’on met aux biberons.
— Ma sœur elle a pas de biberon, elle tête ma mère ! Une fois d’un côté, une fois de l’autre.
— Ça doit être meilleur que le lait de vache.
— Tu peux le dire, ma mère, elle bouffe pas de l’herbe, ça tu peux me croire !
— Je m’en fous de vos tétages ! Pourquoi Lola met son truc dans le congélo ? se fâche Stéphan dix ans.
— Pour éviter qu’il ne sèche, dis-je amusée, reprenant mon sérieux et mon rôle de conteuse.
— Pas une bonne idée, ce qui sort du congèle est trempé de flotte.
— Non de glace !
— La glace, c’est pas de la flotte, peut-être !
— Pourquoi elle veut pas qu’il sèche ?
— Pour conserver les souvenirs, ajoute doctement un grand.
— Pour me garder des trucs, il faut que je les congèle ? S’ils ne rentrent pas dedans, je fais quoi ?
— Tu veux garder quoi ?
— Un nounours aussi grand que moi.
— Les nounours ça se congèlent pas.
— Il y a au pôle Nord, je l’ai vu à la télé, se défend la petite.
— Lola et sa mère s’entendent trop bien, la mienne râle tout le temps : fais si, fais ça, range ta chambre.
— La mienne c’est : fiche-moi la paix, file dans ta chambre, surtout quand sa peau d’orange se pointe.
— Sa peau d’orange ?
— Ouais, c’est son nouveau mec avec ses tifs couleur peau d’orage et sa trogne de clochard.
— Il est gentil avec toi ?
— Ouais, chaque fois qu’il vient j’ai un cadeau « d’amadouation » pour éviter que je râle quand il se pointe.
— Il t’achète avec un cadeau, et tu râles à chaque fois, c’est moche. Ou tu acceptes ou tu refuses.
— Évidemment, je râle, si je fais mine d’accepter, tintin plus de cadeaux.
— Ils font quoi ensemble, tu vois ?
— Non ! j’entends ! Le lit grince. Je peux pas dormir, des fois il doit faire mal à maman, elle crie, je l’aime pas !
— Mon père avait une copine, elle était trop, trop gentille,trop canon, tu aurais vu le « châssis de course », insiste le garçon. Elle se baladait à poil dans la maison.
— C’était la mère de Chris, annonce un gars. C’était devenu un boulet ! La tienne l’a foutue dehors à coups de balai et a balancé ses habits par la fenêtre. Elle s’est refringuée dans la rue, sans se presser, y avait des curieux.
— S’il vous plaît, les enfants. Nous nous éloignons de l’histoire, je lance, reprenons le débat au moment où la mère laisse échapper le plateau avec les tasses et les gâteaux…
— C’est la surprise avec le bouquet, elle s’est reconnue à ce moment-là et paf, elle a tout lâché.
— Elle est chelou ou elle turlute de la perruque, c’était facile à deviner depuis le début !
— Quand même, attendre ses douze ans pour avoir un téléphone, la pauvre !
— Tu en as un toi ?
— En cadeau pour mes huit ans.
— La chance, mon père veut pas en entendre parler il dit que les ondes ça détraque le cerveau.
— Le mien, c’est les ondes de bistro et l’apéro qui le détraque et pas seulement le cerveau ! L’autre jour il est rentré en slip en disant qu’il avait tout dans le kangourou. Y peut pas savoir, on est jamais allés au zoo.
— Il faut pas abuser, c’est tout. Un verre ou deux après, c’est le bonjour des gars.
— Ton forfait tient combien de temps !
— À peine le temps de bizouter ma copine.
— T’as une copine ?
— Ouais, se rengorge le grand de treize ans.
— Les bisous, c’est dégoûtant, si elle refoule du goulot après le fromage, pas terrible ?
— Chris sent bon.
— C’est Chris, alors t’as fini avec elle ou t’es déjà cocu, je l’ai vue hier avec Sylvain…
— Arrête de mentir !
— Je mens pas, se révolte la petite, ils se biscottaient sur le banc derrière la mairie.
— Mon père a dit ; toutes les femmes sont des attrapes mégots.
— Eh ! c’est vrai, je l’ai vue ! Chris, elle fume avec ses copines.
— Elle se balade avec un short mini, mini et, en haut, il reste pas grand-chose.
— C’est une allumeuse, constate un grand.
— Ouais, il fait chaud, elle a dû mettre son jeans au congélateur !
— Elle peut y mettre le reste, avec ton nounours, ça la refroidira.
— C’est une sauteuse comme dit Lola, fait remarquer un grand.
— Ce genre-là ne va pas au feu, c’est elle qui met le feu, comme une amulette.
— Elle aime le frottoir, tu la verrais danser. Un serpent, dit mon père.
— Ton père s’y connaît en serpents ?
— Quand je serai grande comme elle, je ferai le serpent, j’aime danser.
— Nous sortons du sujet, comment avez-vous trouvé ce texte, je demande pour recadrer les enfants vers l’histoire.
— Se parler sans se connaître, raconter ses journées à quelqu’un qui t’écoute, c’est trop bien.
— Avec ma mère, je peux à peine parler. Et j’ai pas de téléphone.
— Waouh ! Dur ? Pourquoi ?
— T’es malheureuse sans téléphone ?
— Tout le monde en a un ? Mon père dit que c’est inutile et cher.
— L’autre jour, je me suis gourée, j’ai tapé mon code PIN sur le boîtier d’ouverture de la porte. Ma mère a fait une crise ! Quand on fait un faux code, il faut attendre vingt minutes sur le paillasson pour en taper un autre.
— Ma mère, elle dit que ces trucs modernes m’éloignent de mes amis !
— T’as de vrais amis, chez qui tu vas dormir, tu en as ? demande un gamin.
— Bof, non, qu’est-ce que ça peut faire !
— Tu as utilisé de vraies cartes pour jouer au solitaire ? demande un autre.
— Euh ! Non, c’est important ?
— Tu reçois des textos de tes amis mais ils ne te parlent plus, tu trouves ça normal, toi ?
— Bof, je suis au courant de tout, j’ai au moins trente copains dans mon répertoire, quelle importance.
— Moi, je préfère jouer avec mes copines, on rigole bien. Au téléphone c’est pas pareil et elles restent l’après-midi tout entier. Des fois elles dorment à la maison. Si j’avais un téléphone je recevrais des textos, bof, je préfère les voir et leur parler. J’aime pas parler avec les oreilles.
— Tout un lycée a invité une chanteuse, on devrait le faire aussi. Qui on inviterait ?
— Johnny Hallyday, Adèle, Beyoncé, Britney Spears…
— Eh ! la petite, tu rêves, c’est une histoire inventée, personne ne viendrait jamais nous voir.
— Tant pis, le soir dans mon lit, je vais imaginer de jolies visites, ça m’endormira.
— Maman ou papa me lit des histoires, elles sont pas belles comme la tienne, mais j’aime bien.
— C’est vrai, comment tu fais pour raconter des trucs que t’as jamais vus ?
— Le lis beaucoup et j’écoute les gens me parler, c’est important.
— Tu nous bourres la coquille, tu peux pas lire.
— J’écoute les livres que lit l’ordi, je vous ai montré comment cela fonctionne l’autre jour.
— Alors, t’es comme nous quelqu’un te raconte des histoires. T’es pas trop grande pour ça, toi ?
Liza
Si vous n'avez pas lu Imprévue lisez-la, ce sera plus facile pour la compréhension de Paroles d'enfants
Vous la trouverez ici
Paroles d'enfants
— La chanteuse, c’est Céline Dion.
— Mais non, elle est trop vieille !
— Elle est vieille, je te le dis, c’est elle.
— Tu te trompes, elle est toute jeune, affirme un admirateur.
— Non, ou alors elle est refaite avec des seringues de naphtaline, son mari est vieux, il est déjà calanché !
La mono allait intervenir, je lui ai demandé de laisser ces pauvres petits s’exprimer, pour mieux leur expliquer.
— Pourquoi elle met son tuc au congélateur ? demande une gamine.
— Elle avait chaud.
— Alors avec la glace, elle va avoir froid sans tee-shirt.
— Mais non, elle a mis une grosse veste de jogging, tu as écouté oui ou non ?
— Elle aurait mieux fait de garder le tee-shirt alors, c’est plus léger.
— Ouais ! ou de ne rien mettre du tout
— T’es dingue, elle aurait montré ses tétines !
— C’est pas des tétines…on dit des seins, proteste une grande de onze ans.
— À douze ans, ce n’est pas une envolée de montgolfières non plus, s’amuse un autre.
— Ma mère dit : « je vais donner la tétine à ta petite sœur »
— Les tétines, c’est des trucs qu’on met aux biberons.
— Ma sœur elle a pas de biberon, elle tête ma mère ! Une fois d’un côté, une fois de l’autre.
— Ça doit être meilleur que le lait de vache.
— Tu peux le dire, ma mère, elle bouffe pas de l’herbe, ça tu peux me croire !
— Je m’en fous de vos tétages ! Pourquoi Lola met son truc dans le congélo ? se fâche Stéphan dix ans.
— Pour éviter qu’il ne sèche, dis-je amusée, reprenant mon sérieux et mon rôle de conteuse.
— Pas une bonne idée, ce qui sort du congèle est trempé de flotte.
— Non de glace !
— La glace, c’est pas de la flotte, peut-être !
— Pourquoi elle veut pas qu’il sèche ?
— Pour conserver les souvenirs, ajoute doctement un grand.
— Pour me garder des trucs, il faut que je les congèle ? S’ils ne rentrent pas dedans, je fais quoi ?
— Tu veux garder quoi ?
— Un nounours aussi grand que moi.
— Les nounours ça se congèlent pas.
— Il y a au pôle Nord, je l’ai vu à la télé, se défend la petite.
— Lola et sa mère s’entendent trop bien, la mienne râle tout le temps : fais si, fais ça, range ta chambre.
— La mienne c’est : fiche-moi la paix, file dans ta chambre, surtout quand sa peau d’orange se pointe.
— Sa peau d’orange ?
— Ouais, c’est son nouveau mec avec ses tifs couleur peau d’orage et sa trogne de clochard.
— Il est gentil avec toi ?
— Ouais, chaque fois qu’il vient j’ai un cadeau « d’amadouation » pour éviter que je râle quand il se pointe.
— Il t’achète avec un cadeau, et tu râles à chaque fois, c’est moche. Ou tu acceptes ou tu refuses.
— Évidemment, je râle, si je fais mine d’accepter, tintin plus de cadeaux.
— Ils font quoi ensemble, tu vois ?
— Non ! j’entends ! Le lit grince. Je peux pas dormir, des fois il doit faire mal à maman, elle crie, je l’aime pas !
— Mon père avait une copine, elle était trop, trop gentille,trop canon, tu aurais vu le « châssis de course », insiste le garçon. Elle se baladait à poil dans la maison.
— C’était la mère de Chris, annonce un gars. C’était devenu un boulet ! La tienne l’a foutue dehors à coups de balai et a balancé ses habits par la fenêtre. Elle s’est refringuée dans la rue, sans se presser, y avait des curieux.
— S’il vous plaît, les enfants. Nous nous éloignons de l’histoire, je lance, reprenons le débat au moment où la mère laisse échapper le plateau avec les tasses et les gâteaux…
— C’est la surprise avec le bouquet, elle s’est reconnue à ce moment-là et paf, elle a tout lâché.
— Elle est chelou ou elle turlute de la perruque, c’était facile à deviner depuis le début !
— Quand même, attendre ses douze ans pour avoir un téléphone, la pauvre !
— Tu en as un toi ?
— En cadeau pour mes huit ans.
— La chance, mon père veut pas en entendre parler il dit que les ondes ça détraque le cerveau.
— Le mien, c’est les ondes de bistro et l’apéro qui le détraque et pas seulement le cerveau ! L’autre jour il est rentré en slip en disant qu’il avait tout dans le kangourou. Y peut pas savoir, on est jamais allés au zoo.
— Il faut pas abuser, c’est tout. Un verre ou deux après, c’est le bonjour des gars.
— Ton forfait tient combien de temps !
— À peine le temps de bizouter ma copine.
— T’as une copine ?
— Ouais, se rengorge le grand de treize ans.
— Les bisous, c’est dégoûtant, si elle refoule du goulot après le fromage, pas terrible ?
— Chris sent bon.
— C’est Chris, alors t’as fini avec elle ou t’es déjà cocu, je l’ai vue hier avec Sylvain…
— Arrête de mentir !
— Je mens pas, se révolte la petite, ils se biscottaient sur le banc derrière la mairie.
— Mon père a dit ; toutes les femmes sont des attrapes mégots.
— Eh ! c’est vrai, je l’ai vue ! Chris, elle fume avec ses copines.
— Elle se balade avec un short mini, mini et, en haut, il reste pas grand-chose.
— C’est une allumeuse, constate un grand.
— Ouais, il fait chaud, elle a dû mettre son jeans au congélateur !
— Elle peut y mettre le reste, avec ton nounours, ça la refroidira.
— C’est une sauteuse comme dit Lola, fait remarquer un grand.
— Ce genre-là ne va pas au feu, c’est elle qui met le feu, comme une amulette.
— Elle aime le frottoir, tu la verrais danser. Un serpent, dit mon père.
— Ton père s’y connaît en serpents ?
— Quand je serai grande comme elle, je ferai le serpent, j’aime danser.
— Nous sortons du sujet, comment avez-vous trouvé ce texte, je demande pour recadrer les enfants vers l’histoire.
— Se parler sans se connaître, raconter ses journées à quelqu’un qui t’écoute, c’est trop bien.
— Avec ma mère, je peux à peine parler. Et j’ai pas de téléphone.
— Waouh ! Dur ? Pourquoi ?
— T’es malheureuse sans téléphone ?
— Tout le monde en a un ? Mon père dit que c’est inutile et cher.
— L’autre jour, je me suis gourée, j’ai tapé mon code PIN sur le boîtier d’ouverture de la porte. Ma mère a fait une crise ! Quand on fait un faux code, il faut attendre vingt minutes sur le paillasson pour en taper un autre.
— Ma mère, elle dit que ces trucs modernes m’éloignent de mes amis !
— T’as de vrais amis, chez qui tu vas dormir, tu en as ? demande un gamin.
— Bof, non, qu’est-ce que ça peut faire !
— Tu as utilisé de vraies cartes pour jouer au solitaire ? demande un autre.
— Euh ! Non, c’est important ?
— Tu reçois des textos de tes amis mais ils ne te parlent plus, tu trouves ça normal, toi ?
— Bof, je suis au courant de tout, j’ai au moins trente copains dans mon répertoire, quelle importance.
— Moi, je préfère jouer avec mes copines, on rigole bien. Au téléphone c’est pas pareil et elles restent l’après-midi tout entier. Des fois elles dorment à la maison. Si j’avais un téléphone je recevrais des textos, bof, je préfère les voir et leur parler. J’aime pas parler avec les oreilles.
— Tout un lycée a invité une chanteuse, on devrait le faire aussi. Qui on inviterait ?
— Johnny Hallyday, Adèle, Beyoncé, Britney Spears…
— Eh ! la petite, tu rêves, c’est une histoire inventée, personne ne viendrait jamais nous voir.
— Tant pis, le soir dans mon lit, je vais imaginer de jolies visites, ça m’endormira.
— Maman ou papa me lit des histoires, elles sont pas belles comme la tienne, mais j’aime bien.
— C’est vrai, comment tu fais pour raconter des trucs que t’as jamais vus ?
— Le lis beaucoup et j’écoute les gens me parler, c’est important.
— Tu nous bourres la coquille, tu peux pas lire.
— J’écoute les livres que lit l’ordi, je vous ai montré comment cela fonctionne l’autre jour.
— Alors, t’es comme nous quelqu’un te raconte des histoires. T’es pas trop grande pour ça, toi ?
Liza