Le Spleen de Paris

Un peu écorché : quinze minutes pour deux cent quatre-vingt-six mots.

Chiffres

Cette fille qui tressait des mots en forme de chapelet pour se faire aimer des anges. Cette fille qui décrivait sa vie avec des phrases. Cette fille qui jetait un beau regard sur l’existence sans n’en avoir jamais rien vu, faut l'admettre. Cette fille, tâtonnant le long des murs, discrète et silencieuse, criant pour se faire reconnaître. Cette fille prête à défendre la cause féminine, canne en main, prête à pourfendre. Cette fille indomptable, défiant le monde, enfourchant tous les chevaux de bataille. Cette fille douce et romantique que l’on nommait Lili en cachette, la tendresse au bord des lèvres, le cœur en fête. Cette fille qui écrivait, racontait et sans doute aimait. Cette fille n’hésite plus…

— Triste nouvelle, direz-vous ! et qu’est-elle devenue ?

Une conjugaison de sexe, d’année, de mois, de département, de commune et d’ordre de naissance, le tout terminé par deux chiffres clés qui permettent de vivifier la cohérence des autres. Cette fille-là est devenue un numéro ! Cette fille on l’a immatriculée, comme une carrosserie. Si c’est pour flasher ses textes de longueurs excessives. Pas besoin de plaque, tout le monde le sait. Il n’y a pas d’arnaque, cette fille est la seule capable de dire si peu de choses avec autant de mots.

Fini les petits noms gentils, désormais on écrira : Ref : 2990261… sur tous les documents qu’on lui remettra.

Cette fille qui avait horreur du grincement de son nom au point de l’oublier, aujourd’hui elle le proclame. Cette fille n’est pas une fiche noyée dans un ordinateur aux profonds arcanes. Cette fille renie les chiffres et refuse 2990261 un numéro d’écrou la rendant prisonnière d’un modernisme gourou. Cette fille revendique fièrement Lizzie, Élodie, Émilie qu’elle détestait tant... avant…

Liza

C'est un peu tristounet matricule Liza ! Mais c'est bien ton style, plein de piquant et de douceur cachée ! grands sourires


Très sympa, surtout en si peu de temps.. !On fait tous l'expérience d'être immatriculé un jour et dans le monde du travail, c'est pire qu'à la Sécû...

Je suis tout à fait d'accord avec Dona, tes mots relèvent de la réalité. On est tous réduit à des chiffres, des lettres, on vit dans un monde où tout est numérisé. Tout cela en un temps record, c'est super Eliza !

Les temps modernes avec des charlots à la barre, à bas les numéros !