Charles
Publié : 20 août 2016, 11:01
Comme tous les vendredis depuis deux ans, Carla se rend à la bibliothèque en attendant son cours de danse. Comme tous les vendredis, elle traverse le rez-de-chaussée destiné aux adultes, sans même y prêter un regard, car si elle s'arrête quelques secondes pour jeter un œil aux nouveautés, sa dépendance l'empêchera de s'arrêter de sitôt. Elle gravit rapidement les escaliers menant aux livres pour enfants et se dirige vers le fond de la pièce. Claire, la charmante dame qui survole les rayons pour remettre les livres si souvent empruntés à leur place initiale, est aujourd'hui occupée à installer une exposition sur la mythologie grecque. Imperturbable, la jeune fille retrouve sa petite table ronde où elle s'installe chaque semaine pour travailler. Chouette, elle est arrivée avant la petite brune et la grande blonde qui, depuis quelques semaines, s'emparent de cette table avant elle. Carla se met à la tâche, sans plus tarder. Tandis que ses amis se prélassent au soleil, elle manipule les chiffres qu'elle hait tant pour s'épargner un week-end surchargé.
Mais aujourd'hui, bien que l'exposition soit inachevée, un fan n'a pas su contenir son impatience et questionne la bibliothécaire avidement. N'ayant que des chiffres en vue depuis maintenant une heure, Carla lève la tête et écoute les bribes audibles de leur conversation. Elle remarque rapidement qu'il en connaît plus que cette dame qui n'a fait que regrouper des informations dénichées tantôt sur le net, tantôt dans les livres. Bientôt, il se dirige vers la fenêtre près de la jeune fille, où la vie de Zeus est détaillée comme dans un livre d'histoire sur une affiche orange fluo. Il lit à voix haute, à la façon d’un enfant qui apprend à lire. Puis comme tout passionné, il a voulu partager sa passion avec quelqu'un, il a jeté son dévolu sur Carla. Il parlait beaucoup, et connaissait son sujet sur le bout des doigts. La jeune fille ne comprenait pas toute la subtilité cachée derrière ses belles paroles, mais elle resta polie et lui sourit gentiment. Apparemment, le sujet ne portait pas à rire.
— Ça te fait rire ! Pourquoi tu rigoles ? demanda-t-il avec curiosité.
Gênée, ne sachant que répondre, elle haussa les épaules, et il continua de déblatérer avec passion devant une jeune fille ignorante. Une quinzaine de minutes plus tard, il avait changé de sujet mais ne semblait pas vouloir changer de confidente. La guerre du Liban et les « youpinoss », comme il appelait les Israéliens, étaient maintenant au cœur de la conversation, ou plutôt du monologue. La petite brune et la grande blonde venaient de faire leur entrée, et elles n'ont pas prêté attention à Charles qui venait de révéler son prénom à Carla. Si cette conversation était quelque peu déroutante pour elle, elle semblait banale aux yeux des autres.
Charles s'interrompit brusquement quand il aperçut la trousse de Carla recouverte de graffiti, distraction favorite des élèves pendant les interminables heures de cours.
— Quand j'allais à l'école, je dessinais aussi sur ma trousse, dit-il en l'attrapant avec une once de nostalgie dans la voix.
Charles n'est pas un petit homme, ni un enfant. Cela fait une vingtaine d'années qu'il ne va plus à l'école. Certains diront qu'il est dérangé, je dirais qu'il est spécial. Il voulait seulement regarder l'exposition, mais la jeune fille a éveillé en lui des souvenirs de jeunesse longtemps enfouis, et il s'est égaré dans ses pensées. Il n'a plus lâché la jeune fille, parce qu’elle l'écoutait paisiblement, quand d'autres préféraient fuir la présence d'un homme dont la seule nuisibilité était le son de sa voix dans les oreilles.
Mais aujourd'hui, bien que l'exposition soit inachevée, un fan n'a pas su contenir son impatience et questionne la bibliothécaire avidement. N'ayant que des chiffres en vue depuis maintenant une heure, Carla lève la tête et écoute les bribes audibles de leur conversation. Elle remarque rapidement qu'il en connaît plus que cette dame qui n'a fait que regrouper des informations dénichées tantôt sur le net, tantôt dans les livres. Bientôt, il se dirige vers la fenêtre près de la jeune fille, où la vie de Zeus est détaillée comme dans un livre d'histoire sur une affiche orange fluo. Il lit à voix haute, à la façon d’un enfant qui apprend à lire. Puis comme tout passionné, il a voulu partager sa passion avec quelqu'un, il a jeté son dévolu sur Carla. Il parlait beaucoup, et connaissait son sujet sur le bout des doigts. La jeune fille ne comprenait pas toute la subtilité cachée derrière ses belles paroles, mais elle resta polie et lui sourit gentiment. Apparemment, le sujet ne portait pas à rire.
— Ça te fait rire ! Pourquoi tu rigoles ? demanda-t-il avec curiosité.
Gênée, ne sachant que répondre, elle haussa les épaules, et il continua de déblatérer avec passion devant une jeune fille ignorante. Une quinzaine de minutes plus tard, il avait changé de sujet mais ne semblait pas vouloir changer de confidente. La guerre du Liban et les « youpinoss », comme il appelait les Israéliens, étaient maintenant au cœur de la conversation, ou plutôt du monologue. La petite brune et la grande blonde venaient de faire leur entrée, et elles n'ont pas prêté attention à Charles qui venait de révéler son prénom à Carla. Si cette conversation était quelque peu déroutante pour elle, elle semblait banale aux yeux des autres.
Charles s'interrompit brusquement quand il aperçut la trousse de Carla recouverte de graffiti, distraction favorite des élèves pendant les interminables heures de cours.
— Quand j'allais à l'école, je dessinais aussi sur ma trousse, dit-il en l'attrapant avec une once de nostalgie dans la voix.
Charles n'est pas un petit homme, ni un enfant. Cela fait une vingtaine d'années qu'il ne va plus à l'école. Certains diront qu'il est dérangé, je dirais qu'il est spécial. Il voulait seulement regarder l'exposition, mais la jeune fille a éveillé en lui des souvenirs de jeunesse longtemps enfouis, et il s'est égaré dans ses pensées. Il n'a plus lâché la jeune fille, parce qu’elle l'écoutait paisiblement, quand d'autres préféraient fuir la présence d'un homme dont la seule nuisibilité était le son de sa voix dans les oreilles.
Merci Loustic ! 
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