La face cachée de la lune
Publié : 27 août 2016, 15:01
Un tableau vert, face à une foule de grattements, de soupirs, de ricanements.
La salle de classe est agitée aujourd’hui. Le devoir demandé peut être fait en groupe, il offre une liberté aux élèves mais sera durement noté.
Mathéo, petite tête blonde au regard d’azur, le sourire déformé du diable aux lèvres, cogne du coude son voisin. Celui-ci s’arrête d’écrire, le dévisage, et suit le doigt tendu dont le prolongement invisible se termine devant deux atrocités.
— Putain, c’est dégueu ! réagit-il.
— Non, mais écoute Clément ! reprend Mathéo. C’est bien dans le thème tu ne trouves pas ?
— T’es bête ! s’esclaffe-t-il.
— Mais si ! On peut y poser sa navette, et faire de l’exploration durant des heures…Le thème est trop nul, c'est impossible, là au moins on peut se lancer dans une histoire ! conclue Mathéo.
Clément hilare, se laisse néanmoins séduire par l’idée. Voilà les deux garnements partis pour deux heures d’explorations, où l’imagination est le seul guide.
Pour Mathéo, la virée est dangereuse. Des vers sortent des cratères les plus profonds pour vous attraper et vous aspirer aussi sec. En plus, les gaz mortels, l’absence d’oxygène, obligent à porter une combinaison qui limite le mouvement. Heureusement, Clément est là et ils font face à cette présence extraterrestre inconnue. Malheureusement, Clément a disparu, englouti par des marécages imprévus… De l’eau sur la Lune ?! Les marécages ne sont que le territoire des vers, leurs déjections, leurs repas en décomposition, fausse alerte. D’une main, Mathéo sauve Clément de la noyade :
— Silence au fond ! réprimande le professeur.
La punition évitée de peu, Mathéo et Clément peuvent continuer l’exploration des recoins cachés de cet astre.
Cratères après cratères, fossés après fossés, longues rides creusées par le temps, ici où rien ne s’efface, les deux enfants commencent à s’ennuyer. Quelques monstres, la découverte d’une substance molle, gélatineuse, marron (la "lunétron"), les a amusés un temps mais le voyage s’essouffle.
Tout semble s’éterniser, et la longueur des minutes les assomme.
Happés dans cette longueur maligne, l’univers entier leur apparaît chamboulé. Ça y est, ils sont au fond du trou. Doucement, du flou au clair, du clair au sombre, ils commencent à saisir qu’ils sont entrés dans la seconde partie du voyage.
À côté de cette immensité, les cratères ne sont que des trous d’épingles. Ils y sont parvenus, dans la grotte grise et sombre, dans ce puits infini. Voici donc ce qui est caché derrière les deux anciennes montagnes lunaires, invisible depuis la terre.
Le chemin mène jusqu’au centre de la Lune, son cœur, son noyau. Les couleurs se réchauffent au fur et à mesure de leur progression, les murs prenant des teintes rouges.
Il fait chaud. Oubliés l’espace froid et les combinaisons, oubliés toute crainte et tout désespoir. Les enfants sont protégés. C’est le noyau qui les attire, il émet un signal radio. « Boum, boum, boum… », La lune entière est régie par ce rythme, il fait si chaud, tout est agréable… « Boum, boum, boum… Boum, boum, boum… Boum, Dring, Dring… Dring, Dring, Dring… »
La sonnerie !
Mathéo et Clément, abrutis par le devoir, s’étaient tout simplement endormis crayons à la main ! Deux rangés plus loin, le professeur se redressait après avoir passé la majeure partie du devoir à aider Sam, petit enfant d’origine étrangère, éprouvant de grandes difficultés en français.
Son repoussant postérieur aux yeux des esprits juvéniles n’est plus déployé et brutal, et s’affaire maintenant à ramasser les copies. Son approche empotée, inéluctable, n’a plus rien de drôle.
« Il n’a qu’à le tremper dans l’encre, s’asseoir sur notre feuille, et il aura une trace de son voyage » songe Mathéo. Le professeur ramasse la copie, ébauche d’une aventure inachevée.
Sur le tableau vert, on peut lire : « Imaginez, en vous inspirant de la mission Apollo 11, un voyage sur la face cachée de la Lune en 30 lignes. »
La salle de classe est agitée aujourd’hui. Le devoir demandé peut être fait en groupe, il offre une liberté aux élèves mais sera durement noté.
Mathéo, petite tête blonde au regard d’azur, le sourire déformé du diable aux lèvres, cogne du coude son voisin. Celui-ci s’arrête d’écrire, le dévisage, et suit le doigt tendu dont le prolongement invisible se termine devant deux atrocités.
— Putain, c’est dégueu ! réagit-il.
— Non, mais écoute Clément ! reprend Mathéo. C’est bien dans le thème tu ne trouves pas ?
— T’es bête ! s’esclaffe-t-il.
— Mais si ! On peut y poser sa navette, et faire de l’exploration durant des heures…Le thème est trop nul, c'est impossible, là au moins on peut se lancer dans une histoire ! conclue Mathéo.
Clément hilare, se laisse néanmoins séduire par l’idée. Voilà les deux garnements partis pour deux heures d’explorations, où l’imagination est le seul guide.
Pour Mathéo, la virée est dangereuse. Des vers sortent des cratères les plus profonds pour vous attraper et vous aspirer aussi sec. En plus, les gaz mortels, l’absence d’oxygène, obligent à porter une combinaison qui limite le mouvement. Heureusement, Clément est là et ils font face à cette présence extraterrestre inconnue. Malheureusement, Clément a disparu, englouti par des marécages imprévus… De l’eau sur la Lune ?! Les marécages ne sont que le territoire des vers, leurs déjections, leurs repas en décomposition, fausse alerte. D’une main, Mathéo sauve Clément de la noyade :
— Silence au fond ! réprimande le professeur.
La punition évitée de peu, Mathéo et Clément peuvent continuer l’exploration des recoins cachés de cet astre.
Cratères après cratères, fossés après fossés, longues rides creusées par le temps, ici où rien ne s’efface, les deux enfants commencent à s’ennuyer. Quelques monstres, la découverte d’une substance molle, gélatineuse, marron (la "lunétron"), les a amusés un temps mais le voyage s’essouffle.
Tout semble s’éterniser, et la longueur des minutes les assomme.
Happés dans cette longueur maligne, l’univers entier leur apparaît chamboulé. Ça y est, ils sont au fond du trou. Doucement, du flou au clair, du clair au sombre, ils commencent à saisir qu’ils sont entrés dans la seconde partie du voyage.
À côté de cette immensité, les cratères ne sont que des trous d’épingles. Ils y sont parvenus, dans la grotte grise et sombre, dans ce puits infini. Voici donc ce qui est caché derrière les deux anciennes montagnes lunaires, invisible depuis la terre.
Le chemin mène jusqu’au centre de la Lune, son cœur, son noyau. Les couleurs se réchauffent au fur et à mesure de leur progression, les murs prenant des teintes rouges.
Il fait chaud. Oubliés l’espace froid et les combinaisons, oubliés toute crainte et tout désespoir. Les enfants sont protégés. C’est le noyau qui les attire, il émet un signal radio. « Boum, boum, boum… », La lune entière est régie par ce rythme, il fait si chaud, tout est agréable… « Boum, boum, boum… Boum, boum, boum… Boum, Dring, Dring… Dring, Dring, Dring… »
La sonnerie !
Mathéo et Clément, abrutis par le devoir, s’étaient tout simplement endormis crayons à la main ! Deux rangés plus loin, le professeur se redressait après avoir passé la majeure partie du devoir à aider Sam, petit enfant d’origine étrangère, éprouvant de grandes difficultés en français.
Son repoussant postérieur aux yeux des esprits juvéniles n’est plus déployé et brutal, et s’affaire maintenant à ramasser les copies. Son approche empotée, inéluctable, n’a plus rien de drôle.
« Il n’a qu’à le tremper dans l’encre, s’asseoir sur notre feuille, et il aura une trace de son voyage » songe Mathéo. Le professeur ramasse la copie, ébauche d’une aventure inachevée.
Sur le tableau vert, on peut lire : « Imaginez, en vous inspirant de la mission Apollo 11, un voyage sur la face cachée de la Lune en 30 lignes. »