Les enfants de mes voisins (chronique)
Publié : 10 septembre 2016, 23:44
Les enfants de mes voisins
" Je crois que les enfants de mes voisins sont en train de devenir fous... Ou bien alors, c'est moi. C'est moi qui vais le devenir avec leurs cris et hurlements. Pas moyen certains après-midis de se concentrer sur certaines tâches qui requièrent tant d'attention : écrire une histoire, une fiction courte à chute amusante ; écrire un incipit ou bien le dénouement d'un hypothétique roman ; faire des recherches pour alimenter le tempérament ou la psychologie d'un personnage ; étudier de très près les recettes de cuisine de ce site appétissant sélectionné et mis en favoris par mes soins dans l'utopie de mieux nourrir ma petite famille ... Ou éventuellement, me pencher sur cette partition de piano si jolie et entêtante mais qui finit toujours par m'exaspérer. Dans le pire des cas, au moins corriger un paquet de copies qui traînasse, toujours témoin de ma procrastination, dans le tiroir gauche, haut, de mon bureau.
Pas moyen... Je ne sais pas ce que font le parents mais moi, si j'avais des enfants qui s'amusaient à faire sauter des trains, à faire exploser des gares et des immeubles, à bombarder autant de villes et de gens du haut de leur balcon comme ils ont l'habitude de le faire (car on les entend hein !)... eh bien !... je crois que je m'en alarmerais. Du moins, je ferais en sorte que mes voisins ne soient pas empêchés de vivre sereinement un après-midi ensoleillé. Là on est obligés de fermer les fenêtres, on étouffe ! Et cela ne masque pas vraiment le bruit : disons que cela atténue les cris de victoire de ces deux garnements quand ils ont détruit une partie de la planète avec leurs armes à implosion et réflexion sensorielles (j'ai entendu plusieurs fois leurs dialogues débiles... ! )
Pas moyen de travailler.
Qu'à cela ne tienne : ça fait longtemps que je dois m'occuper de centaines de choses à descendre à la cave. Je suis une conservatrice née. J'entasse, j'entasse sans vraiment pouvoir jeter. Tout au plus, je parviens à me débarrasser du surplus qui encombre l'appartement au moment où mes tiroirs, placards et meubles en tout genre ne peuvent plus fermer normalement.
C'est un jour à prendre ce genre de décisions !
Sans plus tarder, je m'attelle à la tâche. Armée de sacs poubelles, cartons et cabas en plastique, je trie selon un procédé qui se révèle toujours être le même :
- de un, je jette les vieux journaux, magasines, papiers obsolètes, petits objets ou bibelots défectueux ou cassés, vêtements devenus immettables.
- de deux, je mets dans les sacs cabas, des vêtements devenus importables pour raison essentiellement esthétique mais qui peuvent constituer une réserve de patchwork conséquente
- de trois, je range dans les cartons, les objets dont nous ne nous servons plus
- de quatre, je trie à présent les chaussures et ne conserve que celles de saison
- de cinq, je dispose les sacs et cartons devant ma porte d'entrée, cherche les clés de la cave ainsi que la lampe de poche, mets mes clés d'entrée dans une poche et mon portable dans l'autre
- de six, j'ouvre, sors les sacs et les cartons sur le palier, appelle l'ascenseur
- de sept, j'attends l'ascenseur et commence à me poser la question suivante : n'ai-je pas commis l'irréparable en souhaitant me séparer de toutes ces choses dont je ne veux plus ?
- de huit : l'ascenseur arrive quand j'en suis à la question obsédante : et si ça pouvait encore servir ?
- de neuf : je retiens d'une main les portes de l'ascenseur, obnubilée par le fait que j'ai fait un tri réellement drastique... Ne vais-je pas le regretter ?
- de dix, je laisse filer l'ascenseur, ouvre ma porte, ramène tous les sacs et les cartons, les emmène dans le salon... et recommence le tri...
A ce compte-là, cette activité peut me prendre une journée entière...
Après bien des heures ce jour-là, je résolus, fermement et sans plus flancher psychologiquement, qu'il me fallait résolument jeter un sac entier à la poubelle (au lieu de deux), descendre trois sacs cabas à la cave (au lieu de six) et réduire à un seul carton plutôt que trois, la descente de paires de chaussures (on ne sait jamais... en cas de tsunami ou de séisme nocturne, il vaut mieux posséder le maximum de paires de chaussures chez soi, elles peuvent servir à tout le monde! ). Et j'appelle l'ascenseur ! Et je ne flanche pas !
Je n'aime pas beaucoup aller à la cave. La mienne et située dans le troisième couloir, à droite. On y accède après être descendu au moins 1, déverrouillé la lourde serrure, fait face aux innombrables portes austères du couloir 1 et bifurqué dans une quasi obscurité dans le couloir 2.... Ces détecteurs de lumière sont assez pervers : on ne s'attend jamais assez à se retrouver dans le noir... Il faut bien faire trois pas avant qu'ils ne se déclenchent !
La porte de ma cave a été illustrée par son ancien propriétaire d'une sorte de tête à barbe. Un visage, assez bonhomme ma foi, y est donc dessiné et salue votre arrivée d'une espèce de sourire grossièrement esquissée au pinceau. Quand vous introduisez votre clé le monsieur vous regarde avec deux gros yeux. C'est un peu gênant. Il faut dire que ma cave est l'avant avant-dernière de la série du couloir 3, au fond...
Je ne suis pas peureuse mais l'idée de me retrouver toute seule, au fond du troisième couloir, face à une tête de barbu qui vous regarde à hauteur d'homme, les yeux grand ouverts pendant que le couloirs 1 et 2 s'éteignent parce qu'ils n'y détectent plus votre présence... n'est pas spécialement quelque chose que je nommerais de rassurant.
Il y a toujours des drôles de bruits dans les caves : des bruits d'eau, des bruits de portes, des bruits... pas toujours identifiables produits peut-être par des petites souris … ou des gros rats. J'avoue que je ne m'y sens pas très à l'aise... Alors je me dépêche.
Ce jour-là, c'est si encombré que je suis bien obligée d'avancer, de scruter l'obscurité du fond avec la lampe de poche et de procéder à quelques déménagements pour pourvoir ranger les nouveaux arrivants. Le couloir 3 s'éteint... Il faut donc sortir de ce réduit étroit et tout juste éclairé de la lampe Décathlon pour parvenir à se placer sous le détecteur de lumière... C'est du boulot ! Imaginez être coincé dans le fond de la cave avec la lampe de poche que vous tenez d'une main pendant que vous déplacez de l'autre une montagne de cartons, sacs et valises, tasseaux, vieille poussette, lit démonté, table de nuit devenue inutile, rouleaux de moquette inusités etc... eh bien ce n'est pas vraiment facile d'aller se rendre dans le couloir de manière à ce qu'il éclaire de nouveau !
Pourtant, il le faut bien : le chargement d'aujourd'hui exige cette manoeuvre.
Alors, le nez écrasé contre le tapis d'hiver de l'année dernière, tenant d'une main la botte de lattes du sommier qu'on a démonté, à cheval sur la glacière et de l'ancienne machine à coudre de ma mère, je bloque la pile de livres, qui risque de chavirer, d'une épaule et je tire sur la planche amovible d'une ancienne bibliothèque qui me permettra de poser mon nouveau chargement tout en gardant l'équilibre !
Et la lampe de poche s'éteint.
Puis le détecteur .
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" Je crois que les enfants de mes voisins sont en train de devenir fous... Ou bien alors, c'est moi. C'est moi qui vais le devenir avec leurs cris et hurlements. Pas moyen certains après-midis de se concentrer sur certaines tâches qui requièrent tant d'attention : écrire une histoire, une fiction courte à chute amusante ; écrire un incipit ou bien le dénouement d'un hypothétique roman ; faire des recherches pour alimenter le tempérament ou la psychologie d'un personnage ; étudier de très près les recettes de cuisine de ce site appétissant sélectionné et mis en favoris par mes soins dans l'utopie de mieux nourrir ma petite famille ... Ou éventuellement, me pencher sur cette partition de piano si jolie et entêtante mais qui finit toujours par m'exaspérer. Dans le pire des cas, au moins corriger un paquet de copies qui traînasse, toujours témoin de ma procrastination, dans le tiroir gauche, haut, de mon bureau.
Pas moyen... Je ne sais pas ce que font le parents mais moi, si j'avais des enfants qui s'amusaient à faire sauter des trains, à faire exploser des gares et des immeubles, à bombarder autant de villes et de gens du haut de leur balcon comme ils ont l'habitude de le faire (car on les entend hein !)... eh bien !... je crois que je m'en alarmerais. Du moins, je ferais en sorte que mes voisins ne soient pas empêchés de vivre sereinement un après-midi ensoleillé. Là on est obligés de fermer les fenêtres, on étouffe ! Et cela ne masque pas vraiment le bruit : disons que cela atténue les cris de victoire de ces deux garnements quand ils ont détruit une partie de la planète avec leurs armes à implosion et réflexion sensorielles (j'ai entendu plusieurs fois leurs dialogues débiles... ! )
Pas moyen de travailler.
Qu'à cela ne tienne : ça fait longtemps que je dois m'occuper de centaines de choses à descendre à la cave. Je suis une conservatrice née. J'entasse, j'entasse sans vraiment pouvoir jeter. Tout au plus, je parviens à me débarrasser du surplus qui encombre l'appartement au moment où mes tiroirs, placards et meubles en tout genre ne peuvent plus fermer normalement.
C'est un jour à prendre ce genre de décisions !
Sans plus tarder, je m'attelle à la tâche. Armée de sacs poubelles, cartons et cabas en plastique, je trie selon un procédé qui se révèle toujours être le même :
- de un, je jette les vieux journaux, magasines, papiers obsolètes, petits objets ou bibelots défectueux ou cassés, vêtements devenus immettables.
- de deux, je mets dans les sacs cabas, des vêtements devenus importables pour raison essentiellement esthétique mais qui peuvent constituer une réserve de patchwork conséquente
- de trois, je range dans les cartons, les objets dont nous ne nous servons plus
- de quatre, je trie à présent les chaussures et ne conserve que celles de saison
- de cinq, je dispose les sacs et cartons devant ma porte d'entrée, cherche les clés de la cave ainsi que la lampe de poche, mets mes clés d'entrée dans une poche et mon portable dans l'autre
- de six, j'ouvre, sors les sacs et les cartons sur le palier, appelle l'ascenseur
- de sept, j'attends l'ascenseur et commence à me poser la question suivante : n'ai-je pas commis l'irréparable en souhaitant me séparer de toutes ces choses dont je ne veux plus ?
- de huit : l'ascenseur arrive quand j'en suis à la question obsédante : et si ça pouvait encore servir ?
- de neuf : je retiens d'une main les portes de l'ascenseur, obnubilée par le fait que j'ai fait un tri réellement drastique... Ne vais-je pas le regretter ?
- de dix, je laisse filer l'ascenseur, ouvre ma porte, ramène tous les sacs et les cartons, les emmène dans le salon... et recommence le tri...
A ce compte-là, cette activité peut me prendre une journée entière...
Après bien des heures ce jour-là, je résolus, fermement et sans plus flancher psychologiquement, qu'il me fallait résolument jeter un sac entier à la poubelle (au lieu de deux), descendre trois sacs cabas à la cave (au lieu de six) et réduire à un seul carton plutôt que trois, la descente de paires de chaussures (on ne sait jamais... en cas de tsunami ou de séisme nocturne, il vaut mieux posséder le maximum de paires de chaussures chez soi, elles peuvent servir à tout le monde! ). Et j'appelle l'ascenseur ! Et je ne flanche pas !
Je n'aime pas beaucoup aller à la cave. La mienne et située dans le troisième couloir, à droite. On y accède après être descendu au moins 1, déverrouillé la lourde serrure, fait face aux innombrables portes austères du couloir 1 et bifurqué dans une quasi obscurité dans le couloir 2.... Ces détecteurs de lumière sont assez pervers : on ne s'attend jamais assez à se retrouver dans le noir... Il faut bien faire trois pas avant qu'ils ne se déclenchent !
La porte de ma cave a été illustrée par son ancien propriétaire d'une sorte de tête à barbe. Un visage, assez bonhomme ma foi, y est donc dessiné et salue votre arrivée d'une espèce de sourire grossièrement esquissée au pinceau. Quand vous introduisez votre clé le monsieur vous regarde avec deux gros yeux. C'est un peu gênant. Il faut dire que ma cave est l'avant avant-dernière de la série du couloir 3, au fond...
Je ne suis pas peureuse mais l'idée de me retrouver toute seule, au fond du troisième couloir, face à une tête de barbu qui vous regarde à hauteur d'homme, les yeux grand ouverts pendant que le couloirs 1 et 2 s'éteignent parce qu'ils n'y détectent plus votre présence... n'est pas spécialement quelque chose que je nommerais de rassurant.
Il y a toujours des drôles de bruits dans les caves : des bruits d'eau, des bruits de portes, des bruits... pas toujours identifiables produits peut-être par des petites souris … ou des gros rats. J'avoue que je ne m'y sens pas très à l'aise... Alors je me dépêche.
Ce jour-là, c'est si encombré que je suis bien obligée d'avancer, de scruter l'obscurité du fond avec la lampe de poche et de procéder à quelques déménagements pour pourvoir ranger les nouveaux arrivants. Le couloir 3 s'éteint... Il faut donc sortir de ce réduit étroit et tout juste éclairé de la lampe Décathlon pour parvenir à se placer sous le détecteur de lumière... C'est du boulot ! Imaginez être coincé dans le fond de la cave avec la lampe de poche que vous tenez d'une main pendant que vous déplacez de l'autre une montagne de cartons, sacs et valises, tasseaux, vieille poussette, lit démonté, table de nuit devenue inutile, rouleaux de moquette inusités etc... eh bien ce n'est pas vraiment facile d'aller se rendre dans le couloir de manière à ce qu'il éclaire de nouveau !
Pourtant, il le faut bien : le chargement d'aujourd'hui exige cette manoeuvre.
Alors, le nez écrasé contre le tapis d'hiver de l'année dernière, tenant d'une main la botte de lattes du sommier qu'on a démonté, à cheval sur la glacière et de l'ancienne machine à coudre de ma mère, je bloque la pile de livres, qui risque de chavirer, d'une épaule et je tire sur la planche amovible d'une ancienne bibliothèque qui me permettra de poser mon nouveau chargement tout en gardant l'équilibre !
Et la lampe de poche s'éteint.
Puis le détecteur .
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