Mon Parrain
Publié : 21 septembre 2016, 13:18
Mon parrain…
À t’écouter, j’ai dans la bouche la saveur de ces friandises que tu aimais petit garçon, la sapidité des fruits défendus que tu pillais dans les jardins. Le goût des mûres que tu cueillais le long des chemins. Je respire le parfum du muguet que tu récoltais au fond des bois la veille du Premier mai. Es-tu seulement allé ramasser des fruits sauvages et cueillir du muguet ? Peu m’importe, je connais le sous-bois et les promenades sous les branches grâce à toi.
Avec avidité je découvre la vie dans tes contes. Égoïste, je me les approprie sans vergogne. C’est comme si je te dévorais des yeux et, quelle que soit l’histoire que tu me racontes, c’est une drogue mystérieuse, qui coule en moi, je m’en délecte et m’en grise.
À l’école, en CP, j’étais la nulle de service, celle dont on ne pouvait rien tirer, j’attendais l’heure de la récré. Dix ans passés, éloignée d’un dictionnaire, je me morfonds et me désespère. Je t’écoute sans impatience et j’en redemande encore. Tu passes tes jours à coucher des dialogues sur le papier, juste pour moi, je le sais. Si d’autres les lisent, tant pis pour eux, ils n’y trouveraient qu’une chronique banale et candide. Tu es un puits de vérité, grâce à toi, ma réalité et mes connaissances s’enrichissent. Voleuse récidiviste, je dérobe tes mots et me les approprie. Il faut que je te dise : je suis assoiffée et insatiable, gourmande et jalouse de ton langage.
Au fil de ton imagination, tu me pares de mille attraits, tu déguises mon visage et mon humeur dans chacune de tes histoires. Je ne sais jamais qui je suis. Tantôt une bavarde éhontée, une canadienne surdouée, une campeuse naïve et tendre, une chiffonnière mannequin échangée ou une pauvre fille en vacances. C’est bien connu les femmes sont changeantes. Je suis la girouette aux mille frimousses, tu t’arranges, pour qu’aucune ne me ressemble, mais tu instilles en chacune d’elles une part de moi ou de nous ! Tu écris mes petits secrets à huis clos et racontes, à qui veut l’entendre, la vie buissonnière de tes héros en tendant à une perfection à s’en crever les yeux.
Peu importe ton âge, tu sais y mettre le ton, tu es à la fois l’ange et le démon. Si Dieu ne t’avait créé, il eût fallu que je te modelasse de mes mains, du bout de mes doigts, pour égayer mes jeunes années de petite fille abandonnée. Tu aurais pris la forme d’un nounours, d’un lapin aux grandes oreilles, d’un chien à la peau plissée, ou, je n’ose le dire, du vieux torchon troué que l’on traîne partout en lui racontant nos joies et nos peines. Une chose que j’aurais définitivement égarée à peine lâchée. Toi, impossible de te perdre, tu es éparpillé dans ma mémoire, il me suffit de lire ou d’écrire pour te retrouver. Je ne suis pas seule à y gagner. J’offre à tes vieilles années une portion de réalité, entre l’oubli et le rêve, reliant au présent les beaux souvenirs de ta jeunesse passée que tu as sans doute appréciés.
On ne sait jamais si tu es sérieux ou moqueur, tu penses donner le change ! Pas avec moi ! Je te connais trop, mieux que tu ne l’imagines, on m’a beaucoup parlé de toi. Tu étais le feu qui grandit attisé par le tourbillon d’une vie bien remplie. Tu étais le vent qui surgit au coin d’une rue, la brise qui caresse, la tempête qui décoiffe faisant voler chapeaux et parapluies, la bourrasque coquine qui soulève les jupons. Tu étais la pluie qui mouille et le soleil qui sèche, tu étais le courage et la faiblesse, capable de dompter l’océan et de te noyer dans un verre d’eau. Aujourd’hui, tu perçois déjà, brûlantes et toutes proches, les flammes de l’enfer dans ton dos. Rassure-toi, Dieu accueillera le cœur joyeux un homme comme toi ! Tu es rempli de timidité et de hardiesse, mêlant pudeur et indécence sur fond d’une immense gentillesse, exactement le mélange de tout ce que je souhaite devenir.
En marchant main dans la main avec ta femme, votre cœur a pris des rides, pourtant le chemin du passé, le mal du temps qui se précipite, ne t’atteindra jamais. De vieux et oublié, tu redeviens presque un flambeau et succombes sans vergogne à l’impression de retrouver un nouveau souffle à l’âme, ce qui, pour un homme du vieil âge, est déjà une sorte de renouveau. Un immense océan de presque soixante années nous sépare, le langage nous réunit, rien ne nous éloigne. Tu réinventes l’adolescence des enfants avec des mots choisis pour la rendre lisse, douce et tendre à mes oreilles. Tour à tour, le savoir-dire et le savoir écouter sont devenus notre grande complicité, pour ma part, teintée d’une immense curiosité. Le ciel en est témoin, le conflit des générations est un combat dépassé.
Entre les draps de la retraite, tu dors tranquillement, tu n’entends pas ton réveil sonner, tu ne vois pas le temps s’en aller, mais l’horloge de la vie ne connaît pas de faiblesse. Tu vis dans les coins sombres, pour me laisser une lumière inutile. Tu t’occupes de mon enfance et de mon bien-être, tu gaspilles tes journées sans penser que chaque jour qui naît se meurt, la nuit tombée. Tu m’apprends l’existence de l’inévitable, comme le feu qui engendre la cendre. Tu me donnes le goût de la musique des mots, même si je saute quelques mesures, je ne suis pas à la peine, et encore moins martyre. Je suis un cri de joie et de tendresse pour les sauveurs de ma destinée. J’ai profité, sans compter de vos leçons de vie en viager.
Oh, je ne suis pas dupe, je sais bien que tous tes mots ne sont que flatterie, politesse et courtoisie. Tu t’écoutes me les dire et ta jeunesse remonte, chassant l’oubli de ta tête, repoussant la tristesse et semant le rappel de tes meilleurs souvenirs. Jeune et amicale, tu me parles comme si j’avais ton âge, me montrant, par là, le meilleur trait de ton caractère. Tu n’as jamais su parler aux petits, tu les traites normalement, comme des grands. Tu as toujours considéré les enfants comme des personnes à part entière et tu gages qu’elles deviendront, dans quelques années, bien meilleures que tu ne le fus jamais.
Une infinité de distances nous séparent, nous ne pouvons les effacer, alors raconte-moi sans me ménager, en toute liberté, comment est la vie de ceux qui la voient éclairée. J’apprends des choses toutes simples et quotidiennes que j’ignore, toi aussi, sans doute, réapprends-tu la jeunesse, la vis-tu à ma place ? De nos mots et de nos phrases, tu ne peux en sortir vieilli.
Tu forces l’enfance à allumer mes yeux, à étouffer ma peur et alimenter le feu de ma vie, moi qui n’ai jamais vu un ciel bleu. La gamine, sans famille, oubliée dans sa petite coquille, aime se lever le matin afin d’effacer les hiers et se laisser bercer au soleil par le petit vent chaud de l’été. Quand, parfois me vient l’idée de faire à l’envers ce qui fut ma course à l’adolescence, mon imagination ne remonte aucune image pouvant gâcher le voyage. Tu me sauves de mes années d’enfance. Tu me tiens la main et m’indiques le chemin pour tourner le dos à mes ennuis, me trouver face à moi-même, afin que je me fasse une vie à ma pointure garnie d’une doublure sur mesure.
On dit que je ne connais pas mon père, je suppose que ma mère ne le connaissait pas non plus ! J’ai grandi sans manières, le caractère dur, la mine fière. « Nous naissons tous pour rester orphelins, c’est une question d’âge ! » affirmes-tu. Arriver à me convaincre d’une chose pareille avec un sérieux suffisant, pour que je le croie ! Souvent je me pose la question : si mes parents me retrouvaient ? Je leur dirais : non merci, laissez-moi ! M’abandonner est le seul et le plus beau cadeau qu’ils m’ont fait.
Parmi d’autres, vous m’avez choisie. Moi ! L’odieuse gamine indisciplinée, agressive, révoltée aux griffes et aux dents aiguisées. Aveugle de surcroît avec tout ce que cela implique de patience et de compréhension. Désolée, j’ai cru à une affection de papier qui prendrait feu à la première étincelle. Je me suis trompée !
J’aime écrire, mais ceci n’est ni une suite de mots assemblée pour faire joli, ni un devoir ou un remerciement que je vous adresse, comme un dû, en retour de votre tendresse. C’est le reflet sincère de mon ressenti face au miroir, sans aucune concession, de la réalité. J’ai du mal à extérioriser ce rayon de clarté, gage d’espoir, qui s’est installé dans ma vie. Je l’exprime avec des mots jamais lus, empruntés, je ne sais à qui, peut-être à toi, à vous ! Avant ma vie était à la retraite. Négligeant la tendre marguerite, vous avez fait le choix d’effeuiller le chardon. Vous m’avez prise pour filleule vous imposant ainsi le plus pénible des chemins et une longue route difficile. Vous l’avez poursuivi sans faiblir tout au long des années, afin de m’initier à vos valeurs, armer mes défenses et mon caractère. Vous avez fait cela pour moi. Si vous l’aviez fait pour vous, vous auriez choisi une filleule sage et facile à vivre, une qui s’élève toute seule. Avec le temps, j’ai compris la leçon et payé la rançon en contraignant mon caractère et ma façon d’être, trahissant ainsi mon hérédité tenue secrète. Au début, j’ai choisi d’étudier pour vous plaire, désormais ma curiosité est insatiable et cette incommensurable envie d’apprendre illumine ma vie.
Vous avez choisi la plus insupportable, simplement pour prendre la peine de lui écrire trois cents pages d’une belle histoire juste pour l’aider, la nuit venue, à fermer ses paupières sur des yeux inutiles. Lui éviter de chercher un vieux chiffon troué, toujours égaré. La consoler des jours trop longs sans soleil et des nuits privées de sommeil. Parer à ses espoirs avortés, à ses complexes, la défendre sans la juger. Lui servir de chien-guide et de nounours. Lui apprendre les mots de la vie et la vie des mots. Sans aucun espoir de lire la moindre reconnaissance dans son regard.
Vous avez gaspillé votre tranquillité, pour moi ! Vous m’avez appris le langage des mots, tant pis pour vous, vous l’avez cherché. C’est votre faute si je m’en sers aujourd’hui pour vous dire le fond de ma pensée, en ce jour joyeux, auquel je ne peux me soustraire ayant vécu tant de choses avec vous en ces années. D’après vous, cinquante ans de mariage est une fête ! Alors, Parrain, Marraine, fêtons votre entêtement légendaire dans le mariage et le parrainage… d’une petite, au bord du chemin, abandonnée.
Liza
À t’écouter, j’ai dans la bouche la saveur de ces friandises que tu aimais petit garçon, la sapidité des fruits défendus que tu pillais dans les jardins. Le goût des mûres que tu cueillais le long des chemins. Je respire le parfum du muguet que tu récoltais au fond des bois la veille du Premier mai. Es-tu seulement allé ramasser des fruits sauvages et cueillir du muguet ? Peu m’importe, je connais le sous-bois et les promenades sous les branches grâce à toi.
Avec avidité je découvre la vie dans tes contes. Égoïste, je me les approprie sans vergogne. C’est comme si je te dévorais des yeux et, quelle que soit l’histoire que tu me racontes, c’est une drogue mystérieuse, qui coule en moi, je m’en délecte et m’en grise.
À l’école, en CP, j’étais la nulle de service, celle dont on ne pouvait rien tirer, j’attendais l’heure de la récré. Dix ans passés, éloignée d’un dictionnaire, je me morfonds et me désespère. Je t’écoute sans impatience et j’en redemande encore. Tu passes tes jours à coucher des dialogues sur le papier, juste pour moi, je le sais. Si d’autres les lisent, tant pis pour eux, ils n’y trouveraient qu’une chronique banale et candide. Tu es un puits de vérité, grâce à toi, ma réalité et mes connaissances s’enrichissent. Voleuse récidiviste, je dérobe tes mots et me les approprie. Il faut que je te dise : je suis assoiffée et insatiable, gourmande et jalouse de ton langage.
Au fil de ton imagination, tu me pares de mille attraits, tu déguises mon visage et mon humeur dans chacune de tes histoires. Je ne sais jamais qui je suis. Tantôt une bavarde éhontée, une canadienne surdouée, une campeuse naïve et tendre, une chiffonnière mannequin échangée ou une pauvre fille en vacances. C’est bien connu les femmes sont changeantes. Je suis la girouette aux mille frimousses, tu t’arranges, pour qu’aucune ne me ressemble, mais tu instilles en chacune d’elles une part de moi ou de nous ! Tu écris mes petits secrets à huis clos et racontes, à qui veut l’entendre, la vie buissonnière de tes héros en tendant à une perfection à s’en crever les yeux.
Peu importe ton âge, tu sais y mettre le ton, tu es à la fois l’ange et le démon. Si Dieu ne t’avait créé, il eût fallu que je te modelasse de mes mains, du bout de mes doigts, pour égayer mes jeunes années de petite fille abandonnée. Tu aurais pris la forme d’un nounours, d’un lapin aux grandes oreilles, d’un chien à la peau plissée, ou, je n’ose le dire, du vieux torchon troué que l’on traîne partout en lui racontant nos joies et nos peines. Une chose que j’aurais définitivement égarée à peine lâchée. Toi, impossible de te perdre, tu es éparpillé dans ma mémoire, il me suffit de lire ou d’écrire pour te retrouver. Je ne suis pas seule à y gagner. J’offre à tes vieilles années une portion de réalité, entre l’oubli et le rêve, reliant au présent les beaux souvenirs de ta jeunesse passée que tu as sans doute appréciés.
On ne sait jamais si tu es sérieux ou moqueur, tu penses donner le change ! Pas avec moi ! Je te connais trop, mieux que tu ne l’imagines, on m’a beaucoup parlé de toi. Tu étais le feu qui grandit attisé par le tourbillon d’une vie bien remplie. Tu étais le vent qui surgit au coin d’une rue, la brise qui caresse, la tempête qui décoiffe faisant voler chapeaux et parapluies, la bourrasque coquine qui soulève les jupons. Tu étais la pluie qui mouille et le soleil qui sèche, tu étais le courage et la faiblesse, capable de dompter l’océan et de te noyer dans un verre d’eau. Aujourd’hui, tu perçois déjà, brûlantes et toutes proches, les flammes de l’enfer dans ton dos. Rassure-toi, Dieu accueillera le cœur joyeux un homme comme toi ! Tu es rempli de timidité et de hardiesse, mêlant pudeur et indécence sur fond d’une immense gentillesse, exactement le mélange de tout ce que je souhaite devenir.
En marchant main dans la main avec ta femme, votre cœur a pris des rides, pourtant le chemin du passé, le mal du temps qui se précipite, ne t’atteindra jamais. De vieux et oublié, tu redeviens presque un flambeau et succombes sans vergogne à l’impression de retrouver un nouveau souffle à l’âme, ce qui, pour un homme du vieil âge, est déjà une sorte de renouveau. Un immense océan de presque soixante années nous sépare, le langage nous réunit, rien ne nous éloigne. Tu réinventes l’adolescence des enfants avec des mots choisis pour la rendre lisse, douce et tendre à mes oreilles. Tour à tour, le savoir-dire et le savoir écouter sont devenus notre grande complicité, pour ma part, teintée d’une immense curiosité. Le ciel en est témoin, le conflit des générations est un combat dépassé.
Entre les draps de la retraite, tu dors tranquillement, tu n’entends pas ton réveil sonner, tu ne vois pas le temps s’en aller, mais l’horloge de la vie ne connaît pas de faiblesse. Tu vis dans les coins sombres, pour me laisser une lumière inutile. Tu t’occupes de mon enfance et de mon bien-être, tu gaspilles tes journées sans penser que chaque jour qui naît se meurt, la nuit tombée. Tu m’apprends l’existence de l’inévitable, comme le feu qui engendre la cendre. Tu me donnes le goût de la musique des mots, même si je saute quelques mesures, je ne suis pas à la peine, et encore moins martyre. Je suis un cri de joie et de tendresse pour les sauveurs de ma destinée. J’ai profité, sans compter de vos leçons de vie en viager.
Oh, je ne suis pas dupe, je sais bien que tous tes mots ne sont que flatterie, politesse et courtoisie. Tu t’écoutes me les dire et ta jeunesse remonte, chassant l’oubli de ta tête, repoussant la tristesse et semant le rappel de tes meilleurs souvenirs. Jeune et amicale, tu me parles comme si j’avais ton âge, me montrant, par là, le meilleur trait de ton caractère. Tu n’as jamais su parler aux petits, tu les traites normalement, comme des grands. Tu as toujours considéré les enfants comme des personnes à part entière et tu gages qu’elles deviendront, dans quelques années, bien meilleures que tu ne le fus jamais.
Une infinité de distances nous séparent, nous ne pouvons les effacer, alors raconte-moi sans me ménager, en toute liberté, comment est la vie de ceux qui la voient éclairée. J’apprends des choses toutes simples et quotidiennes que j’ignore, toi aussi, sans doute, réapprends-tu la jeunesse, la vis-tu à ma place ? De nos mots et de nos phrases, tu ne peux en sortir vieilli.
Tu forces l’enfance à allumer mes yeux, à étouffer ma peur et alimenter le feu de ma vie, moi qui n’ai jamais vu un ciel bleu. La gamine, sans famille, oubliée dans sa petite coquille, aime se lever le matin afin d’effacer les hiers et se laisser bercer au soleil par le petit vent chaud de l’été. Quand, parfois me vient l’idée de faire à l’envers ce qui fut ma course à l’adolescence, mon imagination ne remonte aucune image pouvant gâcher le voyage. Tu me sauves de mes années d’enfance. Tu me tiens la main et m’indiques le chemin pour tourner le dos à mes ennuis, me trouver face à moi-même, afin que je me fasse une vie à ma pointure garnie d’une doublure sur mesure.
On dit que je ne connais pas mon père, je suppose que ma mère ne le connaissait pas non plus ! J’ai grandi sans manières, le caractère dur, la mine fière. « Nous naissons tous pour rester orphelins, c’est une question d’âge ! » affirmes-tu. Arriver à me convaincre d’une chose pareille avec un sérieux suffisant, pour que je le croie ! Souvent je me pose la question : si mes parents me retrouvaient ? Je leur dirais : non merci, laissez-moi ! M’abandonner est le seul et le plus beau cadeau qu’ils m’ont fait.
Parmi d’autres, vous m’avez choisie. Moi ! L’odieuse gamine indisciplinée, agressive, révoltée aux griffes et aux dents aiguisées. Aveugle de surcroît avec tout ce que cela implique de patience et de compréhension. Désolée, j’ai cru à une affection de papier qui prendrait feu à la première étincelle. Je me suis trompée !
J’aime écrire, mais ceci n’est ni une suite de mots assemblée pour faire joli, ni un devoir ou un remerciement que je vous adresse, comme un dû, en retour de votre tendresse. C’est le reflet sincère de mon ressenti face au miroir, sans aucune concession, de la réalité. J’ai du mal à extérioriser ce rayon de clarté, gage d’espoir, qui s’est installé dans ma vie. Je l’exprime avec des mots jamais lus, empruntés, je ne sais à qui, peut-être à toi, à vous ! Avant ma vie était à la retraite. Négligeant la tendre marguerite, vous avez fait le choix d’effeuiller le chardon. Vous m’avez prise pour filleule vous imposant ainsi le plus pénible des chemins et une longue route difficile. Vous l’avez poursuivi sans faiblir tout au long des années, afin de m’initier à vos valeurs, armer mes défenses et mon caractère. Vous avez fait cela pour moi. Si vous l’aviez fait pour vous, vous auriez choisi une filleule sage et facile à vivre, une qui s’élève toute seule. Avec le temps, j’ai compris la leçon et payé la rançon en contraignant mon caractère et ma façon d’être, trahissant ainsi mon hérédité tenue secrète. Au début, j’ai choisi d’étudier pour vous plaire, désormais ma curiosité est insatiable et cette incommensurable envie d’apprendre illumine ma vie.
Vous avez choisi la plus insupportable, simplement pour prendre la peine de lui écrire trois cents pages d’une belle histoire juste pour l’aider, la nuit venue, à fermer ses paupières sur des yeux inutiles. Lui éviter de chercher un vieux chiffon troué, toujours égaré. La consoler des jours trop longs sans soleil et des nuits privées de sommeil. Parer à ses espoirs avortés, à ses complexes, la défendre sans la juger. Lui servir de chien-guide et de nounours. Lui apprendre les mots de la vie et la vie des mots. Sans aucun espoir de lire la moindre reconnaissance dans son regard.
Vous avez gaspillé votre tranquillité, pour moi ! Vous m’avez appris le langage des mots, tant pis pour vous, vous l’avez cherché. C’est votre faute si je m’en sers aujourd’hui pour vous dire le fond de ma pensée, en ce jour joyeux, auquel je ne peux me soustraire ayant vécu tant de choses avec vous en ces années. D’après vous, cinquante ans de mariage est une fête ! Alors, Parrain, Marraine, fêtons votre entêtement légendaire dans le mariage et le parrainage… d’une petite, au bord du chemin, abandonnée.
Liza