Midnight-Express
Publié : 17 octobre 2016, 16:44
Midnight-Express
Mes phares l’ont vu ! Cette grande godiche a laissé son escarpin transparent au sol. Ah, elle est belle, en train de déambuler, de gerber son plaisir, accrochée aux bras de l’autre truffe, tenant à peine son rôle de bouée dans ce naufrage.
Ferrari orange pétant, j’arrivai une poignée d’heures plus tôt à la soirée, aux bras de la belle, les cheveux blonds, longs, ramenés d’un seul côté de son visage, un air décoiffé, un air savamment faussement décoiffé. Moi, des rayures noires le long de ma carrosserie, des grosses jantes à en faire jalouser les Monster Trucks, et une sono d’enfer. J’observai, amusée, ces fêtards se trémousser quand ils m’avaient entendu hurler Higway to Hell en arrivant dans la place.
La soirée fut des plus ennuyantes. Les caisses crades d’étudiants faisaient mine de ne pas me voir, enflées de rivalité, et mes appels de phares insistant n’y changeaient rien. Pour éviter de trop ronger mes freins, je m’occupais en espionnant les êtres organiques. Ma belle Cendrine apparaissait sur la terrasse par intermittence, de plus en plus décoiffée. Une bouteille en verre à la main que seule sa bouche pouvait chausser tant elle la gardait jalousement, elle était flanquée aux côtés d’un prince pas charmant du tout, abruti, imbibé d’alcool et de belles phrases destinées aux beaux yeux de la blonde. C’est marrant comme les yeux en question, en ces occasions frivoles, ne signifient pas la même chose pour le dragueur et pour la belle innocente. « T’as un beau cul, laisse-moi fourrer mes mains dans ton décolleté ! » C’est ce qui revenait à mes rétroviseurs. Et la voilà qui continuait à boire, et à se coller de plus en plus à lui. Voulait-elle se déglinguer le bide au houblon et à la pomme de terre jusqu’à sa mise en bière ? Comme pour me répondre, elle vida la bouteille, et, manquant de trébucher sur une grille d’aération, elle franchit la porte pour aller danser.
À l’intérieur, la musique techno atteignait le volume suffisant pour éclater les neurones des jeunes soiffards. Mon pare-brise vibrait.
Le beau bal d’Halloween… Baiser en costume, rien de plus excitant. Sorcières et brigands, Joker et Catwoman allaient de tous côtés soulager leurs fantasmes. La grande nunuche n’était pas trop dans le thème, déguisée en princesse, mais il faut bien reconnaître qu’elle était la reine de la soirée. Ses bras fins et gracieux, son sourire étincelant, ses joues d’enfants - très rouges - son corps de femme toute en courbes, elle embuait mes pensées. Elle m’avait conduite ici, me caressant de ces doigts doux, me maitrisant de ces pieds habiles, je m’étais laissé faire.
À sa dernière apparition sur la terrasse, elle s’était définitivement vautrée sur la grille en coinçant son talon et son prince vampire la relevait avec peine.
À ce moment précis, j’aperçois la chaussure désormais orpheline. Trop saouls pour s’en rendre compte, ils avancent déjà vers moi. La paume qui soutient Cendrine descend habilement contre ses fesses, la belle resserre son étreinte, une main contre le torse du Don Juan, l’autre s’aventurant en dessous du nombril. On ouvre ma portière droite, le siège passager est baissé à l’arrache, on claque la porte. Mon pare-brise vibre. Mes phares sont rivés sur la pantoufle de verre. Je ne peux pas m’évader, moi l’homme au déguisement de citrouille transformé par Marraine la grosse truite en bolide. Le lendemain, je reviendrai ramasser la chaussure afin de retrouver sa propriétaire. Dans un concert curieux, minuit sonne.
Mes phares l’ont vu ! Cette grande godiche a laissé son escarpin transparent au sol. Ah, elle est belle, en train de déambuler, de gerber son plaisir, accrochée aux bras de l’autre truffe, tenant à peine son rôle de bouée dans ce naufrage.
Ferrari orange pétant, j’arrivai une poignée d’heures plus tôt à la soirée, aux bras de la belle, les cheveux blonds, longs, ramenés d’un seul côté de son visage, un air décoiffé, un air savamment faussement décoiffé. Moi, des rayures noires le long de ma carrosserie, des grosses jantes à en faire jalouser les Monster Trucks, et une sono d’enfer. J’observai, amusée, ces fêtards se trémousser quand ils m’avaient entendu hurler Higway to Hell en arrivant dans la place.
La soirée fut des plus ennuyantes. Les caisses crades d’étudiants faisaient mine de ne pas me voir, enflées de rivalité, et mes appels de phares insistant n’y changeaient rien. Pour éviter de trop ronger mes freins, je m’occupais en espionnant les êtres organiques. Ma belle Cendrine apparaissait sur la terrasse par intermittence, de plus en plus décoiffée. Une bouteille en verre à la main que seule sa bouche pouvait chausser tant elle la gardait jalousement, elle était flanquée aux côtés d’un prince pas charmant du tout, abruti, imbibé d’alcool et de belles phrases destinées aux beaux yeux de la blonde. C’est marrant comme les yeux en question, en ces occasions frivoles, ne signifient pas la même chose pour le dragueur et pour la belle innocente. « T’as un beau cul, laisse-moi fourrer mes mains dans ton décolleté ! » C’est ce qui revenait à mes rétroviseurs. Et la voilà qui continuait à boire, et à se coller de plus en plus à lui. Voulait-elle se déglinguer le bide au houblon et à la pomme de terre jusqu’à sa mise en bière ? Comme pour me répondre, elle vida la bouteille, et, manquant de trébucher sur une grille d’aération, elle franchit la porte pour aller danser.
À l’intérieur, la musique techno atteignait le volume suffisant pour éclater les neurones des jeunes soiffards. Mon pare-brise vibrait.
Le beau bal d’Halloween… Baiser en costume, rien de plus excitant. Sorcières et brigands, Joker et Catwoman allaient de tous côtés soulager leurs fantasmes. La grande nunuche n’était pas trop dans le thème, déguisée en princesse, mais il faut bien reconnaître qu’elle était la reine de la soirée. Ses bras fins et gracieux, son sourire étincelant, ses joues d’enfants - très rouges - son corps de femme toute en courbes, elle embuait mes pensées. Elle m’avait conduite ici, me caressant de ces doigts doux, me maitrisant de ces pieds habiles, je m’étais laissé faire.
À sa dernière apparition sur la terrasse, elle s’était définitivement vautrée sur la grille en coinçant son talon et son prince vampire la relevait avec peine.
À ce moment précis, j’aperçois la chaussure désormais orpheline. Trop saouls pour s’en rendre compte, ils avancent déjà vers moi. La paume qui soutient Cendrine descend habilement contre ses fesses, la belle resserre son étreinte, une main contre le torse du Don Juan, l’autre s’aventurant en dessous du nombril. On ouvre ma portière droite, le siège passager est baissé à l’arrache, on claque la porte. Mon pare-brise vibre. Mes phares sont rivés sur la pantoufle de verre. Je ne peux pas m’évader, moi l’homme au déguisement de citrouille transformé par Marraine la grosse truite en bolide. Le lendemain, je reviendrai ramasser la chaussure afin de retrouver sa propriétaire. Dans un concert curieux, minuit sonne.