Le brahmane banian
Publié : 17 octobre 2016, 16:49
Un brahmane avait pour meilleur ami un chat. Le ronronnant compagnon passait ses journées à dormir le long d’un grand figuier banian. Il ne demandait que des caresses, un ou deux poissons quand la faim le tenait, et ne prenait pas part à la misère et la méchanceté quotidienne.
Un jour où il était épuisé de la bêtise des hommes qui, jamais, n’écoutaient ses conseils et ses sages paroles, le savant vint à envier le félidé. Le brahmane s’adressa au chat en ces termes :
« Oh frère chat, comme je t’envie, tu restes en dehors des malheurs des hommes, ta vie est heureuse. J’aimerais avoir ta candeur et pouvoir ronronner toute la journée comme tu le fais. »
À sa surprise, le chat se redressa et planta son regard perçant dans ses yeux. Et sa gueule grande ouverte se mit à articuler pour lui répondre.
« Brahmahoune, si tu veux maow place, je te la laisse. En échange, je veux bien la tranquillité des tiens. Tu es bon, mais les autres hommes sont vils et j’en ai fait les frais. On m’a enlevé à ma mère alors que je n’étais que chaton. On s’est amusé à me jeter dans l’eau que je déteste. On veut toujours me toucher et vos petits viennent troubler ma sieste. Si tu n’es pas convaincu que ta place est enviable, pose la question à mes autres amis. »
Se faisant, il s’étira les pattes contre le tronc du figuier. Le félin s’élança et en trois foulées, il grimpa dans les branches de l’arbre.
« Vas-y l’ami-iaou, demande au figuier ce qu’il pense de ta place contre la sienne !
— Frère figuier, je ne savais ni les animaux ni les arbres doués de paroles, tu es vieux et tu occupes la place centrale du village, est-ce que comme le chat, tu penses ma place enviable ?
— …Si comme le chat je me tais… c’est que les hommes ne méritent pas qu’on leur adresse la parole. Hum… toi… le brahmane… ton cœur ne semble pas pourrir comme ceux de ton espèce… hum… je vais te répondre.
Je n’ai pas choisi l’endroit où j’ai poussé et je n’avais même pas vécu un siècle que l’on a abattu les arbres qui m’entouraient… mes amis. Les hommes profitent de mes fruits le jour… à la nuit tombée, ils coupent mes branches pour faire du feu… ce ne sont que des ingrats. Oui… ta place est enviable, frère brahmane, car tu peux courir et te soustraire à la vue des autres … Hum… Tu n’as ni ma taille, ni mon âge, mais on te respecte de par ton statut là où l’on se moque bien du sort de mes semblables… »
Picorant les fruits au sol, un paon bleu arriva au pied de l’arbre. Le brahmane l’interpella :
« Frère Paon, le figuier et le chat me disent que je suis bien loti car je suis un humain, toi que la nature a rendu magnifique, tu n’as rien à m’envier, pas vrai ?
— Ma beauté me diit-iil ? Elle est mon fardeau iicii-bas, l’humain me pourchasse ou biien tue mes semblables pour leurs plumes. Sii j’étais comme toi, je ne dormiirai pas debout, à l’affut du moindre bruiit, je n’aurais plus peur. Laisse-moi manger, veux-tu ? »
À la vérité le chat n’enviait pas le brahmane, sa vie de félin valait mieux qu’un corps malingre et sans poils avec lequel il était impossible de chasser. Le figuier, en revanche, voulait plus que tout quitter ce corps immobile, en proie à la bêtise des villageois. Le doute du brahmane avait suffi : l’esprit de la forêt exhaussa le vœu du vieil arbre et jamais un homme-figuier ne fut aussi heureux.
Le brahmane banian, qu’on n’écoutait guère plus dans son enveloppe végétale que dans sa précédente enveloppe charnelle, fut privé de ses fruits et de ses branches par la folie des hommes.
Un jour où il était épuisé de la bêtise des hommes qui, jamais, n’écoutaient ses conseils et ses sages paroles, le savant vint à envier le félidé. Le brahmane s’adressa au chat en ces termes :
« Oh frère chat, comme je t’envie, tu restes en dehors des malheurs des hommes, ta vie est heureuse. J’aimerais avoir ta candeur et pouvoir ronronner toute la journée comme tu le fais. »
À sa surprise, le chat se redressa et planta son regard perçant dans ses yeux. Et sa gueule grande ouverte se mit à articuler pour lui répondre.
« Brahmahoune, si tu veux maow place, je te la laisse. En échange, je veux bien la tranquillité des tiens. Tu es bon, mais les autres hommes sont vils et j’en ai fait les frais. On m’a enlevé à ma mère alors que je n’étais que chaton. On s’est amusé à me jeter dans l’eau que je déteste. On veut toujours me toucher et vos petits viennent troubler ma sieste. Si tu n’es pas convaincu que ta place est enviable, pose la question à mes autres amis. »
Se faisant, il s’étira les pattes contre le tronc du figuier. Le félin s’élança et en trois foulées, il grimpa dans les branches de l’arbre.
« Vas-y l’ami-iaou, demande au figuier ce qu’il pense de ta place contre la sienne !
— Frère figuier, je ne savais ni les animaux ni les arbres doués de paroles, tu es vieux et tu occupes la place centrale du village, est-ce que comme le chat, tu penses ma place enviable ?
— …Si comme le chat je me tais… c’est que les hommes ne méritent pas qu’on leur adresse la parole. Hum… toi… le brahmane… ton cœur ne semble pas pourrir comme ceux de ton espèce… hum… je vais te répondre.
Je n’ai pas choisi l’endroit où j’ai poussé et je n’avais même pas vécu un siècle que l’on a abattu les arbres qui m’entouraient… mes amis. Les hommes profitent de mes fruits le jour… à la nuit tombée, ils coupent mes branches pour faire du feu… ce ne sont que des ingrats. Oui… ta place est enviable, frère brahmane, car tu peux courir et te soustraire à la vue des autres … Hum… Tu n’as ni ma taille, ni mon âge, mais on te respecte de par ton statut là où l’on se moque bien du sort de mes semblables… »
Picorant les fruits au sol, un paon bleu arriva au pied de l’arbre. Le brahmane l’interpella :
« Frère Paon, le figuier et le chat me disent que je suis bien loti car je suis un humain, toi que la nature a rendu magnifique, tu n’as rien à m’envier, pas vrai ?
— Ma beauté me diit-iil ? Elle est mon fardeau iicii-bas, l’humain me pourchasse ou biien tue mes semblables pour leurs plumes. Sii j’étais comme toi, je ne dormiirai pas debout, à l’affut du moindre bruiit, je n’aurais plus peur. Laisse-moi manger, veux-tu ? »
À la vérité le chat n’enviait pas le brahmane, sa vie de félin valait mieux qu’un corps malingre et sans poils avec lequel il était impossible de chasser. Le figuier, en revanche, voulait plus que tout quitter ce corps immobile, en proie à la bêtise des villageois. Le doute du brahmane avait suffi : l’esprit de la forêt exhaussa le vœu du vieil arbre et jamais un homme-figuier ne fut aussi heureux.
Le brahmane banian, qu’on n’écoutait guère plus dans son enveloppe végétale que dans sa précédente enveloppe charnelle, fut privé de ses fruits et de ses branches par la folie des hommes.