Rêve de crime
Publié : 09 avril 2017, 21:38
J'ai participé à un atelier d'écriture aujourd'hui, le thème était orienté sur l'écriture du genre "policier", voici ce qui en est ressorti.
Objectif : écrire un texte noir
Contrainte : pas plus d'une page
Personnage principal : une femme
Est-elle sympathique, compréhensible, défendable ? ... A voir.
REVE DE CRIME
J'ai juste envie de lui démonter sa petite gueule. Je ne veux pas forcément qu'elle meure. Je veux juste qu'elle disparaisse, je ne veux plus la voir. Je ne veux plus voir ses yeux fardés, son sourire, sa petite jupe noire, son petit minois. Je ne veux plus. J'ai supporté, j'ai enduré, j'ai essayé mais je ne peux pas. Je ne veux plus la voir. Ne plus voir son sourire, ses petites dents de nacre qui scintillent dans la lumière, l'éclat de ses yeux bruns quand elle rit. Elle rit trop. Ses deux tresses adolescentes... Elle en a 30. Je veux qu'elle disparaisse. Ca fait des jours qu'il pleut. Même le soleil, vaincu par mon chagrin et mes larmes, même le soleil a fichu le camp. Je ne sais même pas s'il fait beau ou non. Chez moi, il pleut. J'ai le cœur d'un mollusque qu'on vient d'ouvrir dans sa coquille et qu'on pique au cure-dent pour estimer sa chair. Un coeur qui souffre. Je souffre. Je souffre trop pour que tout change maintenant. Je veux qu'elle disparaisse. Je ne peux plus vivre comme ça.
Comment dire ? C'est juste une amie pourtant. Mais elle est belle. Elle est de ces gens qui rient sans y faire attention, des optimistes enthousiastes étalant leur bonne humeur sans retenue, sans se soucier de savoir si les autres sont malheureux ou non. C'est humiliant des gens heureux qui rient devant des gens malheureux.
Je souffre. Dès que je l'ai vue, j'ai su : ce serait une rivale. Je ne peux pas lutter. Nous ne sommes pas à armes égales. Elle est belle, pas moi. Elle attire la sympathie, je suis d'un naturel renfermé. Elle a beaucoup d'amis, je n'en ai aucun. Elle est heureuse, je ne le suis plus depuis longtemps. C'est juste une amie, dit Eric mais moi, je ne le crois plus.
Tout le monde pense que je suis un être sage et calme, serein et méditatif. Je ne sens en moi que violence et désespoir. Je vis dans son sillage, dans l'ombre, à l'affût du moindre soupçon.
Quand Eric parle, tout le monde l'écoute, pose des questions, s'intéresse. Il monopolise l'attention, attirant l'auditoire par des joutes verbales, des mimiques drôlatiques, des intonations humoristiques. Tout le monde l'aime. Personne n'aime la tristesse, moi, je parle peu. Je vis dans l'ombre. Une éminence grise, qui complote. Et se venge.
Je veux qu'elle s'en aille, je ne veux plus jamais la voir.
Ce sera elle ou moi.
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— Elle est morte ! Paula est morte !
— Mon dieu ! Mais qu'est-il arrivé ?
—Elle a eu un accident de voiture ! Les freins ont lâché, elle roulait très vite !
—Mon dieu, mon dieu ! C'est arrivé quand ?
Eric est bouleversé. C'est drôle de voir un homme pleurer, son homme pleurer.
J'ai du chagrin moi aussi. Mais je pleure de le voir souffrir autant, et pour une autre femme que moi.
—Oh ! Ne pleure pas ma chérie, ne pleure pas !
Ses propos ne me réconfortent pas, j'ai trop souffert. Je ne peux même pas me réjouir, même pas, c'est trop sale.
—L'enterrement c'est jeudi. Jeudi, tu te rends compte ! Elle était encore là hier ! Fais attention à toi, fais attention à toi surtout ! larmoie-t-il en me serrant près de lui.
Mais je ne le crois plus. C'est le genre de paroles qu'on dit quand on est traumatisé par la mort d'un proche. D'un coup, on pense aux siens, imaginant le calvaire que serait une existence sans eux. Je ne le crois plus. Je me sens délivrée. Je ne peux pas me réjouir mais je me sens délivrée. On va pouvoir recommencer. Et tant pis si je ne le crois plus, au moins, il sera à moi.
Et la prochaine fois, je recommencerai. Désormais, je recommencerai à chaque fois.
Objectif : écrire un texte noir
Contrainte : pas plus d'une page
Personnage principal : une femme
Est-elle sympathique, compréhensible, défendable ? ... A voir.
REVE DE CRIME
J'ai juste envie de lui démonter sa petite gueule. Je ne veux pas forcément qu'elle meure. Je veux juste qu'elle disparaisse, je ne veux plus la voir. Je ne veux plus voir ses yeux fardés, son sourire, sa petite jupe noire, son petit minois. Je ne veux plus. J'ai supporté, j'ai enduré, j'ai essayé mais je ne peux pas. Je ne veux plus la voir. Ne plus voir son sourire, ses petites dents de nacre qui scintillent dans la lumière, l'éclat de ses yeux bruns quand elle rit. Elle rit trop. Ses deux tresses adolescentes... Elle en a 30. Je veux qu'elle disparaisse. Ca fait des jours qu'il pleut. Même le soleil, vaincu par mon chagrin et mes larmes, même le soleil a fichu le camp. Je ne sais même pas s'il fait beau ou non. Chez moi, il pleut. J'ai le cœur d'un mollusque qu'on vient d'ouvrir dans sa coquille et qu'on pique au cure-dent pour estimer sa chair. Un coeur qui souffre. Je souffre. Je souffre trop pour que tout change maintenant. Je veux qu'elle disparaisse. Je ne peux plus vivre comme ça.
Comment dire ? C'est juste une amie pourtant. Mais elle est belle. Elle est de ces gens qui rient sans y faire attention, des optimistes enthousiastes étalant leur bonne humeur sans retenue, sans se soucier de savoir si les autres sont malheureux ou non. C'est humiliant des gens heureux qui rient devant des gens malheureux.
Je souffre. Dès que je l'ai vue, j'ai su : ce serait une rivale. Je ne peux pas lutter. Nous ne sommes pas à armes égales. Elle est belle, pas moi. Elle attire la sympathie, je suis d'un naturel renfermé. Elle a beaucoup d'amis, je n'en ai aucun. Elle est heureuse, je ne le suis plus depuis longtemps. C'est juste une amie, dit Eric mais moi, je ne le crois plus.
Tout le monde pense que je suis un être sage et calme, serein et méditatif. Je ne sens en moi que violence et désespoir. Je vis dans son sillage, dans l'ombre, à l'affût du moindre soupçon.
Quand Eric parle, tout le monde l'écoute, pose des questions, s'intéresse. Il monopolise l'attention, attirant l'auditoire par des joutes verbales, des mimiques drôlatiques, des intonations humoristiques. Tout le monde l'aime. Personne n'aime la tristesse, moi, je parle peu. Je vis dans l'ombre. Une éminence grise, qui complote. Et se venge.
Je veux qu'elle s'en aille, je ne veux plus jamais la voir.
Ce sera elle ou moi.
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— Elle est morte ! Paula est morte !
— Mon dieu ! Mais qu'est-il arrivé ?
—Elle a eu un accident de voiture ! Les freins ont lâché, elle roulait très vite !
—Mon dieu, mon dieu ! C'est arrivé quand ?
Eric est bouleversé. C'est drôle de voir un homme pleurer, son homme pleurer.
J'ai du chagrin moi aussi. Mais je pleure de le voir souffrir autant, et pour une autre femme que moi.
—Oh ! Ne pleure pas ma chérie, ne pleure pas !
Ses propos ne me réconfortent pas, j'ai trop souffert. Je ne peux même pas me réjouir, même pas, c'est trop sale.
—L'enterrement c'est jeudi. Jeudi, tu te rends compte ! Elle était encore là hier ! Fais attention à toi, fais attention à toi surtout ! larmoie-t-il en me serrant près de lui.
Mais je ne le crois plus. C'est le genre de paroles qu'on dit quand on est traumatisé par la mort d'un proche. D'un coup, on pense aux siens, imaginant le calvaire que serait une existence sans eux. Je ne le crois plus. Je me sens délivrée. Je ne peux pas me réjouir mais je me sens délivrée. On va pouvoir recommencer. Et tant pis si je ne le crois plus, au moins, il sera à moi.
Et la prochaine fois, je recommencerai. Désormais, je recommencerai à chaque fois.