Montparnasse a écrit :
La Forêt
Cet endroit est placé sous le règne du Mal? (de la peur? du mystère ?)
(...)
Nous sommes entraînés vers un univers sombre,
Doté d'indicibles torpeurs,
extases et abandons
Où foisonnent d'opiniâtres croyances.
(...)
Nos pas écrasent un fourmillement d'étoiles :?
Ce sont des ossements et des crânes : ?
Les reliefs
acérés d'un repas cannibale ;?
Nous décidons de nous asseoir au pied de cet arbre,
A un endroit où le soleil n'a jamais dardé ses rayons.
Dans cette atmosphère pesante et chargée de poisons,
La fatigue nous accable et
viennent de nouvelles visions
Nous sommes au centre d'un disque
Qui tourne lentement devant nos yeux.
La terre qui le constitue est arrachée
En larges bandes plissées
Par le travail implacable
De grandes chevilles de bois. ?
Soudain, les éléments constitutifs du disque
Se détachent les uns des autres,
Et se dirigent vers l'endroit où nous nous trouvons.
Le sol se creuse alors, inexorable,
Et nous engloutit dans un tourbillon.
A cet instant, nous perdons connaissance...
Lorsque nous nous éveillons,
Nous sommes de nouveau à l'air libre,
Au pied de l'arbre moussu.
Un brouillard tremblant s'est jeté en direction du sol.
Il a baigné de langueurs nos dernières volontés,
Et masqué de son haleine dense tous les sons
Qui frémissaient encore autour de nous.
Seules subsistent nos voix,
Qui percent cette épaisseur moite,
D'un écho vibrant et lointain.
Par un suprême effort, nous décidons de reprendre notre marche.
Mais dès nos premiers mouvements sur le sol,
Nous constatons que sa surface n'est ni solide ni continue.
Le terrain semble formé d'éléments disjoints et glissants
Qui ne nous permettent pas de progresser aisément. (dans cette strophe, j'ai l'impression de rentrer dans un Carnet de bord, c'est trop descriptif, le charme de la poésie est rompu)
Tout à fait
mécaniquement ?, et sans but clair.
Les fourmiliers se rassemblent maintenant autour de nous.
Ils ne forment plus qu'une masse compacte.
Les pelages bruns de leur dos
Se fondent entièrement et enserrent nos
jambes?
Comme le long ruban d'une rivière boueuse.
Aucune de nos actions
N'a le moindre effet sur le cours des événements.
Nous sommes portés par un fluide
Qui nous dirige au milieu des obstacles
Sans que notre volonté y prenne part.
La tiédeur des flots qui nous submergent,
Nous procure un plaisir physique
Qui est renforcé par le sentiment d'échapper à la transe,
Au malaise, à la possession morbide de la jungle.
Nous sommes acceptés et bercés dans son royaume
Comme de jeunes enfants...
Un calme survient alors ; les bêtes ne crient plus.
Nos oreilles ont la sensation d'être caressées
Par de petites feuilles très douces
Qui y déposent les plumes multicolores des perroquets
(Ce sont des délicatesses infinies, des charmes subtils,
Où des coeurs vivants s'ouvrent comme des lèvres).
Nous sentons sur nous leurs yeux sévères et bienveillants ;
Et leurs têtes qui se penchent.
Ce sont les yeux de nos grands parents,
Ce sont des yeux qui nous aiment et nous défendent.