A Nantes, l'ancienne manufacture de biscuits bordant le canal Saint-Félix outre le fait d'être devenue un lieu culurel à succès est aussi celui du «Grenier du siècle». Sanctuaire des mémoires individuelles, ce grenier est conçu comme un mont-de-piété désintéressé et poétique pour objets emblématiques ou intimes, enfermés dans des boîtes de conserve et promis à un siècle de repos, avant la réouverture, le 1er janvier 2100. On a compté 15 000 dépôts. Un tiers manqua à l'appel, mais la collecte a été aussi disparate que large, dépassant les gestes d'artistes et de coutumiers de la culture. Séduit, un public populaire a déposé son souvenir personnel, lié à des cicatrices familières ou associé au siècle.
Le tout formant une sorte d'immense journal intime mêlant dérision et grandiloquence, déballages et confidences, legs minuscules aux générations futures et coups de gueule individuels.
Les greffiers de ce grenier hétéroclite ont ainsi enregistré une «robe de pétasse» assumée comme telle, un portrait de Hitler «pour qu'on n'oublie pas», une recette de terrine et de plat à mitonner, un certificat de nationalité française d'un Maghrébin marié à une Bretonne, accompagné d'un discours du gendre de Le Pen, plusieurs exemplaires de Belle du Seigneur d'Albert Cohen, un livre d'aphorismes édité en un seul exemplaire, un an de rognures d'ongles, «pour voir s'ils ne poussent pas avant la mort», un kit d'épilation «en espérant que dans cent ans, les femmes souffrent moins pour être belles», le porte-clés d'un café qui fit faillite, emblème d'un échec personnel" Des gamins ont confié un sac de maternelle ou une peluche, des ados un livret de photos de Michael Jordan ou une lettre d'amour. Certains ont fait la nique à l'éphémère, en déposant un Tatoo à peine inventé et déjà obsolète. Sur un mode beaucoup plus grave, un père a apporté les effets de son fils, mort du sida.
Photo du Grenier du siècle :

Photo d'un récépissé d'objet :

Et vous, quel objet auriez-vous déposé ?
