Les Fiançailles

Avatar de l’utilisateur
Dona
Grand condor
Messages : 1893
Inscription : 04 janvier 2016, 21:45

Les Fiançailles

Message par Dona »

Voilà : c'est mon dernier texte. J'avais envie de traiter d'une scène romantique en conservant les codes traditionnels : scène sentimentale, utilisation d'un cliché et correspondance de la nature avec l'état d'âme des protagonistes. Mais j'ai aussi eu envie d'y ajouter une touche personnelle.
J'espère que vous aimerez :) A bientôt.



......................................................................................................................................................................................
Les Fiançailles



" Le soir tombait doucement. De la terrasse du restaurant, on voyait le ciel mordoré de stries stochastiques que les feux du couchant démultipliaient en nébuleuses de lumière. Au jusant, la mer était belle, tranquille et sentait bon. Le rythme caressant du clapotis des vagues apportait à l'oreille la douceur qu'ont les soirs d'été, en bordure de plage, quand il a fait très chaud. Deux amoureux dînaient là, en habitués. C'était un soir particulier. Ils fêtaient leurs fiançailles, « leurs fiançailles avec la vie » avaient-ils décrété.

Joé, le patron, les observait du coin de l'oeil, au bar. Depuis quelques jours, tout le monde savait. Joé les aimait bien dans le fond. Ils ne dérangeaient personne si on regardait bien. Ils s'étaient toujours montrés discrets, amoureux et puis ils s'étaient révélés honnêtes et courageux. De plus, c'était des bons clients. De fait, il avait une certaine considération et du respect même, pour ces deux tourtereaux qui étaient allés au bout de leur choix. Joé, c'était pas un cafteur, ça faisait longtemps qu'il avait compris.

Sam n'en finissait pas d'admirer les épaules bronzées, le sourire altier et généreux, les yeux clairs et francs qui lui faisaient face, émerveillé de ce cadeau qui comblait son existence et qu'on fêtait au champagne dans le restaurant qu'ils affectionnaient tous deux. Un jour, pour se moquer de leur mutuelle fascination l'un pour l'autre, ils avaient évoqué, au même endroit, à la même table, les grands mythes des amours impossibles, et s'étaient dit :
- Juliette aurait-elle aimé Roméo si Roméo avait eu quatre incisives manquantes, un grand trou noir au milieu ? Et s'il avait été pied-bot ? Ou difforme ?
- Si tu avais été Juliette et moi Roméo, ou vice-versa, oui ! Ca les faisait toujours rire.

Ils se regardaient l'un et l'autre, en suspens dans leur bulle. Les obstacles, ils les avaient un à un et presque tous surmontés. Bien sûr, ils avaient fait du mal. Bien sûr, ils étaient mariés et avaient dû tout dire, tout expliquer, tout avouer. Bien sûr, ils avaient connu l'humiliation publique, on les avait criblés d'insultes. Sam avait été renvoyé de son travail. Sa femme avait fait un esclandre avant d'essayer de se suicider. Sa famille avait porté plainte. Bien sûr, ils avaient dû tout casser pour construire mais chaque obstacle surmonté fortifiait à chaque fois leur amour et ils avaient le regard droit des gens qui ont décidé de leur destin et ne reviendraient plus en arrière. Ils s'étaient gardés l'un pour l'autre et même au plus fort de la bataille, ils avaient résisté et tenu bon. Ils s'étaient battus, ils s'aimaient et tout allait pouvoir commencer.
Sam offrit son cadeau de fiançailles : des clés. C'était les clés du nouvel appartement qui consacrerait le début de leur vie commune.

- Et pour Adrien ? Qu'est-ce qu'on va faire ? demanda Thomas, inquiet .
La mer connut une des ombres fugaces que lui donne le soleil couchant obombré par un nuage aventureux : la lumière, si prégnante l'instant d'avant, s'éteint, il fait presque froid. Le soleil s'éteignit dans le regard de Sam. Sam et Thomas avaient surmonté presque tous les obstacles... Mais il restait Adrien. Adrien n'avait pas compris. Adrien, ce serait long et difficile... Adrien qui, avant de s'enfuir chez sa mère, avait hurlé dans un gribouillis de lettres rouges qui éclataient comme du sang sur la page blanche, Adrien avait écrit : « Mon père est un gros pédé ! »
Avatar de l’utilisateur
Liza
Grand condor
Messages : 1539
Inscription : 31 janvier 2016, 13:44
Localisation : France

Re: Les Fiançailles

Message par Liza »

Tout est exposé sans être à vue. C’est du grand art. Enfin, si j’ai bien vu !
On ne me donne jamais rien, même pas mon âge !
 
Ma page Spleen...
Avatar de l’utilisateur
Dona
Grand condor
Messages : 1893
Inscription : 04 janvier 2016, 21:45

Re: Les Fiançailles

Message par Dona »

Merci beaucoup Liza ! Oui, tu as bien vu - smiley clin d'oeil - Je me suis servie de la fameuse règle : le masculin l'emporte sur le féminin et ça marche assez bien. J'avais trouvé d'abord la fin : les lettres en rouge, le reste est venu après :)
Avatar de l’utilisateur
Montparnasse
Administrateur
Messages : 4239
Inscription : 04 janvier 2016, 18:20
Localisation : Balaruc-les-Bains (34)
Contact :

Re: Les Fiançailles

Message par Montparnasse »

Tu reviens au style érudit de tes débuts :) ce qui implique de faire sombrer, subito, dans les plus épaisses limbes, ton administrateur chéri. Pour dire les choses nettement, tes « stries stochastiques » ne me valent rien, surtout en début d'après-midi, heure de la sieste. :mrgreen: Mais, je suis prêt à adhérer à ton idéologie, qui me paraît fort juste, audacieuse et sage, etc, pourvu que tu me tiennes un peu la main car, pour l'instant, je n'y comprends goutte. Je suis comme la mère de Rimbaud qui avait eu, un jour, le malheur de se pencher sur les poèmes de son fils.
Je préfère mille fois cette fin : « les feux du couchant démultipliaient en nébuleuses de lumière ». Voilà quelque chose de positif, qui parle à mon âme, la fait planer dans des sphères connues où l'oxygène n'est pas encore trop rare. Et sans que la moindre inquiétude puisse la froisser ou la diminuer.

Je m'interroge encore sur : « La mer connut une des ombres fugaces que lui donne le soleil couchant obombré par un nuage aventureux. » Suis-je de taille à comprendre absolument cette phrase ? Jusqu'à « soleil couchant », je peux l'affirmer. Au-delà, je me hasarderais simplement à poser des hypothèses (plus ou moins fantaisistes.)

J'attends donc impatiemment que tu rentres de vacances pour retrouver un sommeil paisible :)
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
Avatar de l’utilisateur
Dona
Grand condor
Messages : 1893
Inscription : 04 janvier 2016, 21:45

Re: Les Fiançailles

Message par Dona »

Montparnasse a écrit :Tu reviens au style érudit de tes débuts :) ce qui implique de faire sombrer subito, dans les limbes les plus épaisses, ton administrateur chéri. Pour dire les choses nettement, tes « stries stochastiques » ne me valent rien

A mon administrateur préféré : un gars qui n'hésite pas à employer 'infrangible "dans une poésie n'a pas à me donner de leçons quant au vocabulaire... (déjà qu'il a fallu qu'on cherche le mot dans le dictionnaire... :mrgreen: )

PS : Stochastique : qui relève du hasard.

Montparnasse a écrit :Je m'interroge encore sur : « La mer connut une des ombres fugaces que lui donne le soleil couchant obombré par un nuage aventureux. »
On connaît tous ce phénomène, nous, habitants des régions atlantiques :)

Le sujet précisait d'écrire une "scène romantique". Pour une fois, je me suis éclatée à essayer de faire un peu comme Chateaubriand... :mrgreen:
Avatar de l’utilisateur
Liza
Grand condor
Messages : 1539
Inscription : 31 janvier 2016, 13:44
Localisation : France

Re: Les Fiançailles

Message par Liza »

Un plaisir de vous lire ! Chaque jour un nouveau mot, ce qui prouve combien mon vocabulaire, que je croyais costaud, se révèle pauvre !

Obombré ? Couvert par une ombre ! Je ne dois pas être atlantique ou authentique, j’utilise : enténébré, ennuagé, grisaillé, embrunis, opacifié, assombris ou couvre, embrume, obscurcis, opacifie, éclipse.

Dans un autre sens : renfrogne, rembrunis.
On ne me donne jamais rien, même pas mon âge !
 
Ma page Spleen...
Avatar de l’utilisateur
Montparnasse
Administrateur
Messages : 4239
Inscription : 04 janvier 2016, 18:20
Localisation : Balaruc-les-Bains (34)
Contact :

Re: Les Fiançailles

Message par Montparnasse »

Les Grands Condors, les Flamants roses « connaissent tous ces phénomènes » mais moi, ici, frêle oiseau triomphant d'une coquille, je ne vois que pigeons et gros nuages gris.
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
Avatar de l’utilisateur
Liza
Grand condor
Messages : 1539
Inscription : 31 janvier 2016, 13:44
Localisation : France

Re: Les Fiançailles

Message par Liza »

Quand le con dort, les flamands sont roses !
Les coquilles d’escargots me suffiraient. L’ennemi ici, c’est la mouette.

Soit elle me pique ma tartine que je tiens à la main, soit elle lâche une belle crotte qui tombe en plein dessus ou sur ma tête. Je suis philosophe : Ce qui doit arriver… arrivera comme dit Murphy.
On ne me donne jamais rien, même pas mon âge !
 
Ma page Spleen...
Avatar de l’utilisateur
Montparnasse
Administrateur
Messages : 4239
Inscription : 04 janvier 2016, 18:20
Localisation : Balaruc-les-Bains (34)
Contact :

Re: Les Fiançailles

Message par Montparnasse »

Liza a écrit :Quand le con dort, les flamands sont roses !
Compte sur moi pour te citer quand, tes vieux jours se pressant, l'Académie t'accueillera dans son temple. (rire) Mais non ! quel con ! je serai mort ! Ah ah !
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
Avatar de l’utilisateur
Liza
Grand condor
Messages : 1539
Inscription : 31 janvier 2016, 13:44
Localisation : France

Re: Les Fiançailles

Message par Liza »

Je patine, yoyote de la tresse ou je ne sais quoi. Nous parlons d'immortels et, comme par hasard, ils meurent tous !

Et, je n'ose le dire, ont les enterre tout verts, paradoxe ? Même pas ! Ils vont se mettre aux verts !

Facile, je suis un peu fêlée, toute petite j'ai pris des coups de dictionnaire, je me venge !
Dernière modification par Liza le 19 juillet 2016, 14:31, modifié 1 fois.
On ne me donne jamais rien, même pas mon âge !
 
Ma page Spleen...
Répondre