Poésies (mont)parnassiennes

En vers ou en prose !
Avatar de l’utilisateur
Montparnasse
Administrateur
Messages : 4239
Inscription : 04 janvier 2016, 18:20
Localisation : Balaruc-les-Bains (34)
Contact :

Re: Poésies (mont)parnassiennes

Message par Montparnasse »

NOCTURNE PARISIEN

À Edmond Lepelletier.

Roule, roule ton flot indolent, morne Seine. —
Sur tes ponts qu’environne une vapeur malsaine
Bien des corps ont passé, morts, horribles, pourris,
Dont les âmes avaient pour meurtrier Paris.
Mais tu n’en traînes pas, en tes ondes glacées,
Autant que ton aspect m’inspire de pensées !

Le Tibre a sur ses bords des ruines qui font
Monter le voyageur vers un passé profond,
Et qui, de lierre noir et de lichen couvertes,
Apparaissent, tas gris, parmi les herbes vertes.
Le gai Guadalquivir rit aux blonds orangers
Et reflète, les soirs, des boléros légers,
Le Pactole a son or, le Bosphore a sa rive
Où vient faire son kief l’odalisque lascive.
Le Rhin est un burgrave, et c’est un troubadour
Que le Lignon, et c’est un ruffian que l’Adour.
Le Nil, au bruit plaintif de ses eaux endormies,
Berce de rêves doux le sommeil des momies.
Le grand Meschascébé, fier de ses joncs sacrés,
Charrie augustement ses îlots mordorés,
Et soudain, beau d’éclairs, de fracas et de fastes,
Splendidement s’écroule en Niagaras vastes.
L’Eurotas, où l’essaim des cygnes familiers
Mêle sa grâce blanche au vert mat des lauriers,
Sous son ciel clair que raie un vol de gypaète,
Rhythmique et caressant, chante ainsi qu’un poète.
Enfin, Ganga, parmi les hauts palmiers tremblants
Et les rouges padmas, marche à pas fiers et lents
En appareil royal, tandis qu’au loin la foule
Le long des temples va, hurlant, vivante houle,
Au claquement massif des cymbales de bois,
Et qu’accroupi, filant ses notes de hautbois,
Du saut de l’antilope agile attendant l’heure,
Le tigre jaune au dos rayé s’étire et pleure.

— Toi, Seine, tu n’as rien. Deux quais, et voilà tout,
Deux quais crasseux, semés de l’un à l’autre bout
D’affreux bouquins moisis et d’une foule insigne
Qui fait dans l’eau des ronds et qui pêche à la ligne.
Oui, mais quand vient le soir, raréfiant enfin
Les passants alourdis de sommeil ou de faim,
Et que le couchant met au ciel des taches rouges,
Qu’il fait bon aux rêveurs descendre de leurs bouges
Et, s’accoudant au pont de la Cité, devant
Notre-Dame, songer, cœur et cheveux au vent !
Les nuages, chassés par la brise nocturne,
Courent, cuivreux et roux, dans l’azur taciturne.
Sur la tête d’un roi du portail, le soleil,
Au moment de mourir, pose un baiser vermeil.
L’Hirondelle s’enfuit à l’approche de l’ombre.
Et l’on voit voleter la chauve-souris sombre.
Tout bruit s’apaise autour. À peine un vague son
Dit que la ville est là qui chante sa chanson,
Qui lèche ses tyrans et qui mord ses victimes ;
Et c’est l’aube des vols, des amours et des crimes.
— Puis, tout à coup, ainsi qu’un ténor effaré
Lançant dans l’air bruni son cri désespéré,
Son cri qui se lamente, et se prolonge, et crie,
Éclate en quelque coin l’orgue de Barbarie :
Il brame un de ces airs, romances ou polkas,
Qu’enfants nous tapotions sur nos harmonicas
Et qui font, lents ou vifs, réjouissants ou tristes,
Vibrer l’âme aux proscrits, aux femmes, aux artistes.
C’est écorché, c’est faux, c’est horrible, c’est dur,
Et donnerait la fièvre à Rossini, pour sûr ;
Ces rires sont traînés, ces plaintes sont hachées ;
Sur une clef de sol impossible juchées,
Les notes ont un rhume et les do sont des la,
Mais qu’importe ! l’on pleure en entendant cela !
Mais l’esprit, transporté dans le pays des rêves,
Sent à ces vieux accords couler en lui des sèves ;
La pitié monte au cœur et les larmes aux yeux,
Et l’on voudrait pouvoir goûter la paix des cieux,
Et dans une harmonie étrange et fantastique
Qui tient de la musique et tient de la plastique,
L’âme, les inondant de lumière et de chant,
Mêle les sons de l’orgue aux rayons du couchant !

— Et puis l’orgue s’éloigne, et puis c’est le silence,
Et la nuit terne arrive et Vénus se balance
Sur une molle nue au fond des cieux obscurs :
On allume les becs de gaz le long des murs.
Et l’astre et les flambeaux font des zigzags fantasques
Dans le fleuve plus noir que le velours des masques ;
Et le contemplateur sur le haut garde-fou
Par l’air et par les ans rouillé comme un vieux sou
Se penche, en proie aux vents néfastes de l’abîme.
Pensée, espoir serein, ambition sublime,
Tout, jusqu’au souvenir, tout s’envole, tout fuit,
Et l’on est seul avec Paris, l’Onde et la Nuit !

— Sinistre trinité ! De l’ombre dures portes !
Mané-Thécel-Pharès des illusions mortes !
Vous êtes toutes trois, ô Goules de malheur,
Si terribles, que l’Homme, ivre de la douleur
Que lui font en perçant sa chair vos doigts de spectre,
L’Homme, espèce d’Oreste à qui manque une Électre,
Sous la fatalité de votre regard creux
Ne peut rien et va droit au précipice affreux ;
Et vous êtes aussi toutes trois si jalouses
De tuer et d’offrir au grand Ver des épouses
Qu’on ne sait que choisir entre vos trois horreurs,
Et si l’on craindrait moins périr par les terreurs
Des Ténèbres que sous l’Eau sourde, l’Eau profonde,
Ou dans tes bras fardés, Paris, reine du monde !

— Et tu coules toujours, Seine, et, tout en rampant,
Tu traînes dans Paris ton cours de vieux serpent,
De vieux serpent boueux, emportant vers tes havres
Tes cargaisons de bois, de houille et de cadavres !

(P. Verlaine, Poèmes saturniens, 1866)


Notes

Tibre : Fleuve qui traverse Rome et qui se jette dans la mer Tyrrhénienne.
Guadalquivir : Fleuve espagnol qui se jette dans l'océan Atlantique à l'ouest du détroit de Gibraltar.
Pactole : Fleuve de Lydie (région de Turquie) charriant des sables aurifères.
Kief : Repos, sieste, observé au milieu de la journée chez les orientaux.
Odalisque : Femme de chambre esclave qui était au service des femmes d'un harem. Femme d'un harem.
Burgrave : Dans le Saint Empire, Commandant d'une ville ou d'une citadelle.
Lignon : affluent de l'Ardèche.
Ruffian : Entremetteur, souteneur.
Adour : Fleuve du bassin aquitain.
Meschascébé : Nom ancien du fleuve Mississippi.
Eurotas : Principal fleuve de Laconie (Grèce).
Gypaète : Grand oiseau rapace diurne (Falconidés, Accipitridés), parfois nommé vautour des agneaux, à long bec crochu, à large et longue queue et à vastes ailes, se nourrissant surtout de charognes.
Ganga : Déesse du Gange dont le compagnon est un crocodile.
Padma : Lotus rose.
Mané Thécel Pharès : « Comptés Pesés Divisés ». Inscription mystérieuse du Livre de Daniel, Chapitre V. Prophétie de Daniel devant Balthazar, usurpateur, dont la personne et le royaume seraient bientôt « comptés, pesés, divisés ».
Goule : Sorte de vampire femelle des légendes orientales.
Oreste et Electre : Fils et fille du roi Agamemnon et de Clytemnestre.
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
Avatar de l’utilisateur
Montparnasse
Administrateur
Messages : 4239
Inscription : 04 janvier 2016, 18:20
Localisation : Balaruc-les-Bains (34)
Contact :

Re: Poésies (mont)parnassiennes

Message par Montparnasse »

Liza a écrit : 15 février 2017, 18:45 Nevermore est-ce le groupe anglais ?
Connais pas. Les Beatles ? Non, ça ne doit pas être ça...
Liza a écrit : 15 février 2017, 18:45Ou « jamais » en anglais, c'est tout ce que j'ai trouvé comme définition.
Jamais plus. Tu ne connais pas le poème d'Edgar Poe ?
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
Avatar de l’utilisateur
Liza
Grand condor
Messages : 1539
Inscription : 31 janvier 2016, 13:44
Localisation : France

Re: Poésies (mont)parnassiennes

Message par Liza »

Et non, je ne connais pas, sacrilège sans doute !
On ne me donne jamais rien, même pas mon âge !
 
Ma page Spleen...
Avatar de l’utilisateur
Montparnasse
Administrateur
Messages : 4239
Inscription : 04 janvier 2016, 18:20
Localisation : Balaruc-les-Bains (34)
Contact :

Re: Poésies (mont)parnassiennes

Message par Montparnasse »

Liza a écrit : 15 février 2017, 19:13 Et non, je ne connais pas, sacrilège sans doute !
Mais non, je ne crois pas que je le connaissais à ton âge. Je t'imagine toujours beaucoup plus âgée que tu n'es. Je ne dois pas être le seul !
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
Avatar de l’utilisateur
Montparnasse
Administrateur
Messages : 4239
Inscription : 04 janvier 2016, 18:20
Localisation : Balaruc-les-Bains (34)
Contact :

Re: Poésies (mont)parnassiennes

Message par Montparnasse »

LA MORT DE PHILIPPE II

À Louis-Xavier de Ricard.

Le coucher d’un soleil de septembre ensanglante
La plaine morne et l’âpre arête des sierras
Et de la brume au loin l’installation lente.

Le Guadarrama pousse entre les sables ras
Son flot hâtif qui va réfléchissant par places
Quelques oliviers nains tordant leurs maigres bras.

Le grand vol anguleux des éperviers rapaces
Raye à l’ouest le ciel mat et rouge qui brunit,
Et leur cri rauque grince à travers les espaces.

Despotique, et dressant au-devant du zénith
L’entassement brutal de ses tours octogones,
L’Escurial étend son orgueil de granit.

Les murs carrés, percés de vitraux monotones,
Montent droits, blancs et nus, sans autres ornements
Que quelques grils sculptés qu’alternent des couronnes.

Avec des bruits pareils aux rudes hurlements
D’un ours que des bergers navrent de coups de pioches
Et dont l’écho redit les râles alarmants,

Torrent de cris roulant ses ondes sur les roches,
Et puis s’évaporant en des murmures longs,
Sinistrement dans l’air du soir tintent les cloches.

Par les cours du palais, où l’ombre met ses plombs,
Circule – tortueux serpent hiératique –
Une procession de moines aux frocs blonds

Qui marchent un par un, suivant l’ordre ascétique,
Et qui, pieds nus, la corde aux reins, un cierge en main,
Ululent d’une voix formidable un cantique.

– Qui donc ici se meurt ? Pour qui sur le chemin
Cette paille épandue et ces croix long-voilées
Selon le rituel catholique romain ? –

La chambre est haute, vaste et sombre. Niellées,
Les portes d’acajou massif tournent sans bruit,
Leurs serrures étant, comme leurs gonds, huilées.

Une vague rougeur plus triste que la nuit
Filtre à rais indécis par les plis des tentures
À travers les vitraux où le couchant reluit,

Et fait papilloter sur les architectures,
À l’angle des objets, dans l’ombre du plafond,
Ce halo singulier qu’on voit dans les peintures.

Parmi le clair-obscur transparent et profond
S’agitent effarés des hommes et des femmes
À pas furtifs, ainsi que les hyènes font.

Riches, les vêtements des seigneurs et des dames,
Velours, panne, satin, soie, hermine et brocart,
Chantent l’ode du luxe en chatoyantes gammes,

Et, trouant par éclairs distancés avec art
L’opaque demi-jour, les cuirasses de cuivre
Des gardes alignés scintillent de trois quart.

Un homme en robe noire, à visage de guivre,
Se penche, en caressant de la main ses fémurs,
Sur un lit, comme l’on se penche sur un livre.

Des rideaux de drap d’or roides comme des murs
Tombent d’un dais de bois d’ébène en droite ligne,
Dardant à temps égaux l’œil des diamants durs.

Dans le lit, un vieillard d’une maigreur insigne
Egrène un chapelet, qu’il baise par moment,
Entre ses doigts crochus comme des brins de vigne.

Ses lèvres font ce sourd et long marmottement,
Dernier signe de vie et premier d’agonie,
— Et son haleine pue épouvantablement.

Dans sa barbe couleur d’amarante ternie,
Parmi ses cheveux blancs où luisent des tons roux,
Sous son linge bordé de dentelle jaunie,

Avides, empressés, fourmillants, et jaloux
De pomper tout le sang malsain du mourant fauve
En bataillons serrés vont et viennent les poux.

C’est le Roi, ce mourant qu’assiste un mire chauve,
Le Roi Philippe Deux d’Espagne, — saluez ! —
Et l’aigle autrichien s’effare dans l’alcôve,

Et de grands écussons, aux murailles cloués,
Brillent, et maints drapeaux où l’oiseau noir s’étale
Pendent de çà de là, vaguement remués !…

— La porte s’ouvre. Un flot de lumière brutale
Jaillit soudain, déferle et bientôt s’établit
Par l’ampleur de la chambre en nappe horizontale ;

Porteurs de torches, roux, et que l’extase emplit,
Entrent dix capucins qui restent en prière :
Un d’entre eux se détache et marche droit au lit.

Il est grand, jeune et maigre, et son pas est de pierre,
Et les élancements farouches de la Foi
Rayonnent à travers les cils de sa paupière ;

Son pied ferme et pesant et lourd, comme la Loi,
Sonne sur les tapis, régulier, emphatique :
Les yeux baissés en terre, il marche droit au Roi.

Et tous sur son trajet dans un geste extatique
S’agenouillent, frappant trois fois du poing leur sein,
Car il porte avec lui le sacré Viatique.

Du lit s’écarte avec respect le matassin,
Le médecin du corps, en pareille occurrence,
Devant céder la place, Âme, à ton médecin.

La figure du Roi, qu’étire la souffrance,
À l’approche du fray se rassérène un peu,
Tant la religion est grosse d’espérance !

Le moine cette fois ouvrant son œil de feu,
Tout brillant de pardons mêlés à des reproches,
S’arrête, messager des justices de Dieu.

— Sinistrement dans l’air du soir tintent les cloches.

Et la Confession commence. Sur le flanc
Se retournant, le Roi, d’un ton sourd, bas et grêle,
Parle de feux, de juifs, de bûchers et de sang.

— « Vous repentiriez-vous par hasard de ce zèle ?
Brûler des juifs, mais c’est une dilection !
Vous fûtes, ce faisant, orthodoxe et fidèle. » —

Et, se pétrifiant dans l’exaltation,
Le Révérend, les bras en croix, tête baissée,
Semble l’esprit sculpté de l’Inquisition.

Ayant repris haleine, et d’une voix cassée,
Péniblement, et comme arrachant par lambeaux
Un remords douloureux du fond de sa pensée,

Le Roi, dont la lueur tragique des flambeaux
Éclaire le visage osseux et le front blême,
Prononce ces mots : Flandre, Albe, morts, sacs, tombeaux.

— « Les Flamands, révoltés contre l’Église même,
Furent très justement punis, à votre los,
Et je m’étonne, ô Roi, de ce doute suprême.

« Poursuivez. » Et le Roi parla de don Carlos.
Et deux larmes coulaient tremblantes sur sa joue
Palpitante et collée affreusement à l’os.

— « Vous déplorez cet acte, et moi je vous en loue !
« L’Infant, certes, était coupable au dernier point,
« Ayant voulu tirer l’Espagne dans la boue

« De l’hérésie anglaise, et de plus n’ayant point
« Frémi de conspirer – ô ruses abhorrées ! –
« Et contre un Père, et contre un Maître, et contre un Oint ! »

Le moine ensuite dit les formules sacrées
Par quoi tous nos péchés nous sont remis, et puis,
Prenant l’Hostie avec ses deux mains timorées,

Sur la langue du Roi la déposa. Tous bruits
Se sont tus, et la Cour, pliant dans la détresse,
Pria, muette et pâle, et nul n’a su depuis

Si sa prière fut sincère ou bien traîtresse.
– Qui dira les pensers obscurs que protégea
Ce silence, brouillard complice qui se dresse ?

Ayant communié, le Roi se replongea
Dans l’ampleur des coussins, et la béatitude
De l’Absolution reçue ouvrant déjà

L’œil de son âme au jour clair de la certitude,
Épanouit ses traits en un sourire exquis
Qui tenait de la fièvre et de la quiétude.

Et tandis qu’alentour ducs, comtes et marquis,
Pleins d’angoisses, fichaient leurs yeux sous la courtine,
L’âme du Roi mourant montait aux cieux conquis,

Puis le râle des morts hurla dans la poitrine
De l’auguste malade avec des sursauts fous :
Tel l’ouragan passe à travers une ruine.

Et puis plus rien ; et puis, sortant par mille trous,
Ainsi que des serpents frileux de leur repaire,
Sur le corps froid les vers se mêlèrent aux poux.

– Philippe Deux était à la droite du Père.

(P. Verlaine, Poèmes saturniens, 1866)


Notes

Sierra : Chaine de montagnes dans un pays hispanophone.
Hiératique : Qui concerne les choses sacrées.
Froc : Partie de l'habit des moines qui couvre la tête, les épaules et la poitrine.
Nielle : Incrustation d'émail noir dont on décore une plaque de métal.
Guivre : Animal fantastique ayant un corps de serpent, des ailes de chauve-souris et des pattes de pourceau.
Mire chauve : ??
Matassin : Danseur bouffon
Fray : ??
Dilection : Amour tendre et spirituel.
Los : Louange
Oint : Qui a reçu la consécration d'une huile sainte.
Courtine : Rideau de lit.
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
Avatar de l’utilisateur
Liza
Grand condor
Messages : 1539
Inscription : 31 janvier 2016, 13:44
Localisation : France

Re: Poésies (mont)parnassiennes

Message par Liza »

Guadarrama : Montagne d’Espagne, près de Madrid haute de 2 430 mètres.
Escurial : Palais et monastère d’Espagne proche de Madrid décoré de nombreuses œuvre d’art. Construit en 1584 pour Philippe le Bel
Marmottement : parler indistinctement entre les dents. Marmotter.
Matassin : danses comiques des fêtes antiques que l'on retrouve sous la Renaissance.
On ne me donne jamais rien, même pas mon âge !
 
Ma page Spleen...
Avatar de l’utilisateur
Montparnasse
Administrateur
Messages : 4239
Inscription : 04 janvier 2016, 18:20
Localisation : Balaruc-les-Bains (34)
Contact :

Re: Poésies (mont)parnassiennes

Message par Montparnasse »

Merci, c'est sympa, Liza, tu m'avances dans mon « travail » ! (smile) Je vais pouvoir finir sereinement mon article sur Beethoven dans le dico.
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
Avatar de l’utilisateur
Montparnasse
Administrateur
Messages : 4239
Inscription : 04 janvier 2016, 18:20
Localisation : Balaruc-les-Bains (34)
Contact :

Re: Poésies (mont)parnassiennes

Message par Montparnasse »

ÉPILOGUE

I

Le soleil, moins ardent, luit clair au ciel moins dense.
Balancés par un vent automnal et berceur,
Les rosiers du jardin s’inclinent en cadence.
L’atmosphère ambiante a des baisers de sœur.

La Nature a quitté pour cette fois son trône
De splendeur, d’ironie et de sérénité :
Clémente, elle descend, par l’ampleur de l’air jaune,
Vers l’homme, son sujet pervers et révolté.

Du pan de son manteau que l’abîme constelle,
Elle daigne essuyer les moiteurs de nos fronts,
Et son âme éternelle et sa forme immortelle
Donnent calme et vigueur à nos cœurs mous et prompts.

Le frais balancement des ramures chenues,
L’horizon élargi plein de vagues chansons,
Tout, jusqu’au vol joyeux des oiseaux et des nues,
Tout, aujourd’hui, console et délivre. — Pensons.

II

Donc, c’en est fait. Ce livre est clos. Chères Idées
Qui rayiez mon ciel gris de vos ailes de feu
Dont le vent caressait mes tempes obsédées,
Vous pouvez revoler devers l’Infini bleu !

Et toi, Vers qui tintais, et toi, Rime sonore,
Et vous, Rythmes chanteurs, et vous, délicieux,
Ressouvenirs, et vous, Rêves, et vous encore,
Images qu’évoquaient mes désirs anxieux,

Il faut nous séparer. Jusqu’aux jours plus propices
Où nous réunira l’Art, notre maître, adieu,
Adieu, doux compagnons, adieu, charmants complices !
Vous pouvez revoler devers l’Infini bleu.

Aussi bien, nous avons fourni notre carrière,
Et le jeune étalon de notre bon plaisir,
Tout affolé qu’il est de sa course première,
A besoin d’un peu d’ombre et de quelque loisir.

– Car toujours nous t’avons fixée, ô Poésie,
Notre astre unique et notre unique passion,
T’ayant seule pour guide et compagne choisie,
Mère, et nous méfiant de l’Inspiration.

III

Ah ! l’Inspiration superbe et souveraine,
L’Égérie aux regards lumineux et profonds,
Le Genium commode et l’Erato soudaine,
L’Ange des vieux tableaux avec des ors au fond,

La Muse, dont la voix est puissante sans doute,
Puisqu’elle fait d’un coup dans les premiers cerveaux,
Comme ces pissenlits dont s’émaille la route,
Pousser tout un jardin de poèmes nouveaux,

La Colombe, le Saint-Esprit, le saint Délire,
Les Troubles opportuns, les Transports complaisants,
Gabriel et son luth, Apollon et sa lyre,
Ah ! l’Inspiration, on l’invoque à seize ans !

Ce qu’il nous faut à nous, les Suprêmes Poètes
Qui vénérons les Dieux et qui n’y croyons pas,
À nous dont nul rayon n’auréola les têtes,
Dont nulle Béatrix n’a dirigé les pas,

À nous qui ciselons les mots comme des coupes
Et qui faisons des vers émus très froidement,
À nous qu’on ne voit point les soirs aller par groupes
Harmonieux au bord des lacs et nous pâmant,

Ce qu’il nous faut à nous, c’est, aux lueurs des lampes,
La science conquise et le sommeil dompté,
C’est le front dans les mains du vieux Faust des estampes,
C’est l’Obstination et c’est la Volonté !

C’est la Volonté sainte, absolue, éternelle,
Cramponnée au projet comme un noble condor
Aux flancs fumants de peur d’un buffle, et d’un coup d’aile
Emportant son trophée à travers les cieux d’or !

Ce qu’il nous faut à nous, c’est l’étude sans trêve,
C’est l’effort inouï, le combat nonpareil,
C’est la nuit, l’âpre nuit du travail, d’où se lève
Lentement, lentement, l’Œuvre, ainsi qu’un soleil !

Libre à nos Inspirés, cœurs qu’une œillade enflamme,
D’abandonner leur être aux vents comme un bouleau ;
Pauvres gens ! l’Art n’est pas d’éparpiller son âme :
Est-elle en marbre, ou non, la Vénus de Milo ?

Nous donc, sculptons avec le ciseau des Pensées
Le bloc vierge du Beau, Paros immaculé,

Et faisons-en surgir sous nos mains empressées
Quelque pure statue au péplos étoilé,

Afin qu’un jour, frappant de rayons gris et roses
Le chef-d’œuvre serein, comme un nouveau Memnon,
L’Aube-Postérité, fille des Temps moroses,
Fasse dans l’air futur retentir notre nom !

(P. Verlaine, Poèmes saturniens, 1866)


Notes

Ramure : Ensemble des branches et rameaux (d'un arbre).
Devers : Du côté de.
Egérie : Femme qui est l’inspiratrice d’un artiste.
Genium : ?
Erato : Terme du polythéisme grec. La muse qui préside à la poésie tendre et amoureuse.
Paros : Marbre blanc extrait des carrières de l'île de Paros (Cyclades).
Memnon : Fils de Tithonus et d’Aurora.
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
Avatar de l’utilisateur
Montparnasse
Administrateur
Messages : 4239
Inscription : 04 janvier 2016, 18:20
Localisation : Balaruc-les-Bains (34)
Contact :

Re: Poésies (mont)parnassiennes

Message par Montparnasse »

CLAIR DE LUNE

Votre âme est un paysage choisi
Que vont charmant masques et bergamasques,
Jouant du luth et dansant et quasi
Tristes sous leurs déguisements fantasques.

Tout en chantant sur le mode mineur
L’amour vainqueur et la vie opportune,
Ils n’ont pas l’air de croire à leur bonheur
Et leur chanson se mêle au clair de lune,

Au calme clair de lune triste et beau,
Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres
Et sangloter d’extase les jets d’eau,
Les grands jets d’eau sveltes parmi les marbres.

(P. Verlaine, Fêtes galantes, 1869)


Note

Bergamasque : Danse et air de danse à la mode au XVIIIème siècle.
Quand les Shadoks sont tombés sur Terre, ils se sont cassés. C'est pour cette raison qu'ils ont commencé à pondre des œufs.
Avatar de l’utilisateur
Liza
Grand condor
Messages : 1539
Inscription : 31 janvier 2016, 13:44
Localisation : France

Re: Poésies (mont)parnassiennes

Message par Liza »

Le Genium dans mes études, c'est une prothèse de genou électronique.

Ailleurs, je en sais pas !
On ne me donne jamais rien, même pas mon âge !
 
Ma page Spleen...
Répondre