DJERBA

« Djerba est une île plate, hérissée de palmiers mais dépourvue de rivières. Après les Phéniciens, les Carthaginois... »
C'est le texte. Il a dû souligner Djerba de manière prof afin de préciser le sujet. Eté 93 : voyage caniculaire, Tunisie.
Petite entrée en matière plutôt historique, à prétention pédante. Le timbre estampillé : 17 août, un vague palmier frangé, tout cela décoloré...
Vue de face : mer huileuse, d'une variation bleutée, étale, irradiée en son centre d'une vaste flasque de soleil ; à l'arrière-plan, comme une voile blanche hissée, déjetée par les reflets luminescents du premier plan.
Parfois, sortie de la boîte en papier, la carte postale erre un moment, fugace, entre ses mains. Son regard, un peu bleu, un peu sombre et perdu, vague un moment sur la mer d'huile, la voile blanche. Inéluctablement, d'une jolie rotation des doigts, elle passe au dos, s'alanguit dirait-on sur l'écriture ourlée, élégante, écriture intellectuelle. Forcément, au deuxième alinéa existe comme un blanc, un suspens dans ses yeux comme une ombre qui plane, une silhouette qui nage, se dilue mais revient et fait des vagues encore, là où c'est écrit :
« Je garde mon amour en moi. C'est un ferment sensible et en pleine vie. Presque un serment. »
A ce moment surgit, tonnant de bonne humeur, l'appel du bedonnant mari : « A table ! »
Une panique soudaine fait tomber la carte postale.
La Tunisie s'éloigne et tandis que l'arôme du rôti aux patates se répand dans l'air, elle range dans la boîte, au fond du placard, regrets et souvenir amer. »